Reporters sans frontières est surprise du retrait anticipé, le 7 juillet 2006, de l'émission matinale “Desayuno” (“Petit déjeuner”) de la grille des programmes de la chaîne de télévision publique Canal 7.
Il s'agit du deuxième cas de suppression d'émission depuis le début de l'année 2006 au sein d'un média audiovisuel public.
Reporters sans frontières est surprise du retrait anticipé, le 7 juillet 2006, de l'émission matinale “Desayuno” (“Petit déjeuner”) de la grille des programmes de la chaîne de télévision publique Canal 7. L'organisation craint que l'actuel climat de tension entre la presse et le gouvernement Kirchner n'ait influé sur cette décision.
“Il s'agit du deuxième cas de suppression d'émission depuis le début de l'année 2006 au sein d'un média audiovisuel public, sans parler des octrois arbitraires de publicité officielle par les autorités locales pour récompenser ou punir des journalistes. Si nous ne préjugeons pas des raisons qui ont conduit Canal 7 à retirer l'émission “Desayuno” de ses programmes, force est de constater que cette décision tombe au moment où la situation de la liberté de la presse en Argentine marque un recul. Le gouvernement ne peut jouer le pourrissement. Un débat doit s'engager avec les médias”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 7 juillet, l'émission matinale de débat “Desayuno”, animée par le journaliste uruguayen Victor Hugo Morales, réputé pour son irrévérence, a été diffusée pour la dernière fois sur la chaîne de télévision publique Canal 7, après sept ans d'existence. “J'avais été prévenu il y a dix jours que l'émission s'arrêterait, mais on m'avait assuré que nous pouvions continuer jusqu'à la fin du mois d'août”, a confié à Reporters sans frontières Eduardo Metzger, producteur exécutif de “Desayuno”. Dans la soirée du 7 juillet, ce dernier a finalement été avisé par téléphone que l'émission du jour serait la dernière.
L'ordre est venu de Néstor Piccone, nouveau coordinateur des programmes depuis la nomination de la journaliste Rosario Lufrano à la tête de Canal 7, le 23 mai dernier. “Nous avons analysé toute la programmation depuis notre arrivée et nous avons estimé que cette émission était usée. En plus, il s'agissait d'une émission d'actualité et nous en avons déjà une”, s'est justifié Néstor Piccone auprès du quotidien Clarín.
Pour Eduardo Metzger et Victor Hugo Morales, l'explication est ailleurs. “La nouvelle direction voulait peser sur la ligne éditoriale de l'émission mais nous avions une attitude indépendante, qui évidemment pouvait déranger”, a indiqué le premier. A quoi Victor Hugo Morales a ajouté ironiquement : “J'ai le sentiment que je ne suis pas utile aux visées de la direction, ce que je prends au mieux pour un éloge. Il est clair que le gouvernement a une dent contre tout ce qui relève de la liberté de la presse.” Le journaliste a refusé le point de chute que la direction a tenté de lui offrir.
L'ambiance est extrêmement tendue au sein de Canal 7 depuis l'arrivée de la nouvelle direction et le limogeage, le 6 juin, de Marcela Pacheco, présentatrice du journal de la nuit. La journaliste avait ouvertement critiqué le rassemblement organisé par le président Néstor Kirchner pour les trois ans de son investiture, le 25 mai, jour de la fête nationale.
Au cours des célébrations du 9 juillet (fête de l'indépendance), le président argentin et son épouse, la sénatrice Cristína Fernández de Kirchner, ont réitéré leurs critiques envers la presse. Le président a notamment fustigé le quotidien La Nación en raison de ses collusions avec la dictature militaire (1976-1983). La première dame a quant à elle qualifié d' “ignorants” et d'”ânes” les journalistes spécialisés dans la couverture des travaux parlementaires. Enfin, le chef de cabinet de la présidence Ánibal Fernández a invité “les journalistes à faire leur autocritique”.
Trois émissions à caractère politique ont connu le même sort que “Desayuno” au premier semestre 2006. Le 3 mai, l'émission “Séptimo Día”, diffusée sur la station privée Lu 12 Radio Río Gallegos a été supprimée sous la pression du vice-gouverneur de la province de Santa Cruz (Sud), qui menaçait de la priver des recettes de la publicité officielle. Le même procédé semble avoir abouti à la disparition de la grille de la chaîne de télévision locale privée 5 ATS, au mois de mars dans la province de Tucumán (Nord), de l'émission “Periodismo de Verdad”. Enfin, 30 décembre 2005, José “Pepe” Eliaschev, présentateur de “Esto que pasa” à la Radio Nacional (publique) avait appris que son émission, très critique envers l'actuel gouvernement, ne serait pas reconduite en 2006 à la suite d'un “ordre venu d'en haut”. Reporters sans frontières avait alors écrit au chef de cabinet de la présidence Ánibal Fernández. Sans obtenir de réponse.