RSF répond aux critiques de Nhan Dan sur l'attribution du Netizen Prize 2013 à Huynh Ngoc Chenh

Dans un article paru en ligne le 14 mars 2013, le quotidien Nhan Dan a critiqué l'attribution du prix Netizen 2013 par Reporters sans frontières au journaliste citoyen et blogueur Huynh Ngoc Chenh. Comme ses concitoyens Ta Phong Tan et Nguyen Hoang Vi, Huynh Ngoc Chenh a été récompensé pour son travail en faveur de la liberté de la presse et de l'information au Vietnam, et pour le courage dont il a fait preuve en favorisant sur son site web, l'expression libre et constructive d'opinions diverses sur la vie politique et sociale du pays. Reporters sans frontières répond ici aux différentes critiques et aux commentaires exprimés dans l'article de Nhan Dan : Nous nous étonnons tout d'abord de la position contradictoire de l'auteur sur l'idée même d'un prix remis par une instance étrangère. Ce dernier n'hésite pas à parler de "fierté nationale" pour qualifier certaines récompenses internationales, tout en taxant d'" ingérence politique", celles qui ne rencontrent pas son approbation. On peut voir, dans cette réaction la préoccupation première de Nhan Dan. Selon l'auteur de l'article, "l'image du pays" serait plus importante que les effets positifs des écrits produits par les blogueurs récompensés de prix internationaux, que leur contribution à l'information du peuple vietnamien, que la présentation d'une vision politique différente de celle du Parti, que l'enrichissement voire la création d'un débat public et démocratique en ligne, qui n'aurait pas lieu si tous les espaces d'expression et d'information étaient laissés au seul Parti politique autorisé dans le pays. En publiant leurs réflexions sur les problèmes politiques et sociaux du Vietnam, que l'auteur ne prétend d'ailleurs pas nier ("limites irréfutables"), Huynh Ngoc Chenh, Ta Phong Tan et Nguyen Hoang Vi ne ternissent pas l'image du Vietnam, mais l'améliorent, et surtout, donnent l'espoir qu'une société démocratique, informée, libre de tout contrôle abusif des idées et libre de toute censure arbitraire peut voir le jour au Vietnam. S'il n'est pas nécessaire de répondre aux théories fantaisistes qui voudraient qu'une coalition composée de médias étrangers, organisations non gouvernementales internationales et de gouvernements cherchent à tout prix à "saboter les autorités vietnamiennes", il importe néanmoins d'expliquer à nouveau en quoi consiste notre vision de la liberté d'expression et de l'information, deux libertés fondamentales recouvertes par la déclaration universelle des droits de l'homme. Ces deux libertés incluent le droit à la critique de toute entité politique, le droit d'informer et de commenter un événement ou une situation, de couvrir des sujets sensibles tels que l'exploitation de la bauxite, les conflits territoriaux sino-vietnamiens, et les actions du gouvernement vietnamien en la matière. Dans nombre de pays relativement respectueux de la liberté de la presse, des médias critiquent quotidiennement le pouvoir, le tournent en dérision ou pratiquent la satire, sans être pour autant accusés de chercher à déstabiliser le pays ni de vouloir renverser le régime en place. Et ce, même lorsqu'ils publient des informations erronés à l'encontre d'officiels de haut rang. Au Vietnam, ceux qui s'arrogent légitimement ces droits, le font au risque de se voir emprisonnés pour des années. Nous déplorons cette criminalisation des délits de presse et d'opinion, qui se traduit notamment par un usage quasi systématique de l'article 88 du Code pénal à l'encontre de ceux qui tentent d'informer de manière indépendante leurs concitoyens. En récompensant Huynh Ngoc Chenh du Netizen prize 2013, nous saluons également le courage démontré par les 31 blogueurs et journalistes citoyens actuellement derrière les barreaux. En récompensant Huynh Ngoc Chenh, nous voulons faire passer un message : la liberté de l'information est bien plus importante que l'"image du Vietnam", artificielle, que les autorités actuelles, essayent de propager. A terme, c'est la défense même de cette liberté qui contribuera plus que tout à l'amélioration du respect international du pays. Aujourd'hui, pouvons-nous seulement espérer que Nhan Dan sera autorisé à publier cette réponse dans ses pages ? Voir la traduction de l'article du Nhan Dan, paru en ligne le 14 mars 2013 (FR) :
Publié le
Updated on 20.01.2016