Mongolie : RSF dénonce une opération policière arbitraire contre le média indépendant Noorog

Reporters sans frontières (RSF) dénonce la perquisition dans les locaux du média en ligne indépendant Noorog, ainsi que l'interrogatoire de ses journalistes et la confiscation de leur matériel, menés par la police mongole sur la base d'une accusation fallacieuse d'"atteinte à l'unité nationale". Cette opération arbitraire survient après l'annonce par le média de la diffusion prochaine d'un documentaire sur les dernières élections dans le pays.

Dans la nuit du 17 mars 2025, la police mongole a perquisitionné les locaux du média indépendant Noorog, à Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie. Huit employés, soit la quasi-totalité de l'équipe, ont été interrogés toute la nuit, entre 22 heures et 6 heures du matin, avant d'être relâchés. Les policiers ont également confisqué leurs téléphones personnels et les ordinateurs et disques durs du média.

Les autorités ont d’abord mené leur opération sous prétexte "d’atteinte à l'unité nationale", un délit passible de douze ans de prison selon le Code pénal mongol. Par la suite, des charges ont été ajoutées à plusieurs reprises, notamment celles de "jeux d'argent illégaux en ligne", de "diffusion de fausses informations", et même d'"incitation au suicide". Les accusations d'atteinte à l'unité nationale et de diffusion de fausses informations ont finalement été abandonnées.

Les journalistes de Noorog, qui affirment que l'interrogatoire portait exclusivement sur leurs activités professionnelles et le contenu publié par leur média, soupçonnent que cette affaire soit liée à leur documentaire sur les élections mongoles, dont la sortie est prévue en juin. Ce reportage suit six citoyens durant la campagne pour les élections législatives de 2024 et met en lumière les stratégies employées par les partis politiques mongols pour influencer les électeurs.

"Cette perquisition sous un prétexte fallacieux est intolérable et constitue une grave atteinte à la confidentialité des sources et à la liberté de la presse. Nous appelons les autorités mongoles à abandonner les poursuites abusives engagées contre l'équipe de Noorog et les parlementaires à renforcer le droit à la protection des sources dans le cadre du projet de loi sur la liberté de la presse, actuellement en discussion au Parlement.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF

Fondé en 2022, le média Noorog concentre ses activités sur les réseaux sociaux, publiant des reportages vidéo et des enquêtes révélant parfois des informations gênantes pour le gouvernement. Dans une récente enquête, le média a mis en doute les affirmations officielles sur les progrès réalisés en matière de lutte contre la corruption, en s'appuyant sur des données chiffrées.

Dégradation continue de la liberté de la presse

Les poursuites en cours contre Noorog s'inscrivent dans un climat de recul inquiétant de la liberté de la presse en Mongolie, qui a perdu 36 places au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF depuis 2020. Cette dérive s’illustre par l’affaire en cours contre la rédactrice en chef du média en ligne Tac.mn, Bayarmaa Ayurzana, qui risque jusqu'à huit ans de prison pour avoir enquêté sur un détournement de fonds publics présumé impliquant le vice-Premier ministre. Lors d'une audience ce 21 mars, les juges ont ajourné le procès.

Une autre affaire touchant une journaliste a suscité de vives interrogations sur l'équité de la procédure judiciaire : si Unurtsetseg Naran a été graciée le 8 mars par le président mongol Ukhnaagiin Khürelsükh, son affaire, depuis sa condamnation lors d'un procès à huis clos jusqu'aux conditions de sa libération, a été entouré d’une opacité totale.

Face à cette tendance alarmante, et alors que le gouvernement a annoncé une réforme de la loi sur la liberté de la presse, RSF a soumis aux parlementaires mongols des recommandations visant à renforcer la protection juridique des journalistes.

La Mongolie occupe la 109e place sur 180 pays et territoires évalués par RSF en 2024. La situation de la liberté de la presse y est jugée "difficile", en raison de poursuites judiciaires abusives contre des journalistes sous couvert de délits de diffamation, ainsi que d'une forte concentration des médias aux mains des élites économiques et politiques.

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