Mongolie : procès en appel à huis clos d'une rédactrice en chef, signe inquiétant pour la liberté de la presse

À l’approche de l’audience d’appel de la journaliste mongole Unurtsetseg Naran – condamnée à une peine de prison plus tôt cette année – Reporters sans frontières (RSF) tire la sonnette d’alarme sur un inquiétant manque de transparence dans cette procédure judiciaire. La décision de tenir cette audience à huis clos instaure un dangereux précédent susceptible d'ouvrir la voie à une répression accrue de la liberté de la presse en Mongolie.

Le 5 novembre, le juge en chef de la cour d'appel pénale d’Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, a annoncé que l'intégralité du procès en appel d’Unurtsetseg Naran, rédactrice en chef du site d’information Zarig.mn, prévu le 7 novembre, se déroulerait à huis clos.

En juillet, la journaliste avait été condamnée à 4 ans et 9 mois de prison à l'issue d’un procès à huis clos au tribunal pénal de première instance du district de Sükhbaatar, à Oulan-Bator. La journaliste a été reconnue coupable de cinq chefs d’accusation : “évasion fiscale”, “divulgation d'informations personnelles”“acquisition illégale de secrets d’État”“blanchiment d’argent” et “diffusion de fausses informations”. Si le tribunal a justifié cette procédure à huis clos par des raisons de sécurité nationale et pour protéger les informations sensibles d’un mineur, le silence complet imposé sur la divulgation de toute information concernant l’affaire constitue un signe inquiétant.

La procédure judiciaire a été largement critiquée par les groupes de la société civile en Mongolie, qui ont souligné la tenue du procès à huis clos malgré la gravité des charges retenues contre cette journaliste. Dans une déclaration commune, des ONG mongoles de défense de la liberté de la presse ont affirmé que cette décision va à l’encontre du principe d’une justice ouverte et transparente, et pourrait engendrer un climat “d’imprévisibilité, d’intimidation et d’autocensure chez les journalistes.”

“La décision du tribunal pénal de première instance de condamner une journaliste à près de cinq ans de prison principalement sous des allégations de sécurité nationale, à la suite d’un procès tenu à huis clos et sans aucune transparence sur les preuves présentées, crée un dangereux précédent susceptible de dissuader d’autres journalistes en Mongolie de publier des informations d’intérêt public. Nous appelons la cour d’appel pénale d’Oulan-Bator, qui réexaminera cette affaire, à garantir la transparence et à rendre publics le plus grand nombre possible d'éléments du procès.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF

Unurtsetseg Naran est connue pour ses enquêtes révélant la corruption et le blanchiment d’argent impliquant des hauts fonctionnaires mongols, un travail qui lui a déjà valu au moins 16 accusations de diffamation. Dans l’affaire en cours, elle a d’abord été poursuivie pour “diffusion de fausses informations” après avoir critiqué le système judiciaire mongol sur les réseaux sociaux, et a ensuite été inculpée pour des charges plus lourdes. Elle avait été arrêtée une première fois en décembre 2023, détenue pendant plus de deux mois, puis placée en résidence surveillée.

La liberté de la presse s'est récemment détériorée en Mongolie, dont le gouvernement affirme néanmoins son engagement en faveur des valeurs démocratiques. En mai 2024, la journaliste Bayarmaa Ayurzana a été arrêtée et brièvement détenue avant d'être inculpée en lien avec ses enquêtes sur des abus présumés commis par le vice-premier ministre du pays.

La Mongolie occupe la 109e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2024 établi par RSF en 2024, en chute de 36 places par rapport à 2020.

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