Meta emboîte le pas à TikTok : vers la désinformation assistée par intelligence artificielle

Mark Zuckerberg a décidé d’imiter son principal concurrent, TikTok, en donnant une plus grande place à l’intelligence artificielle dans la sélection des contenus proposés à ses utilisateurs. Reporters sans frontières (RSF) s’alarme de cette stratégie et s’inquiète d’une fuite en avant vers davantage de désinformation.

“Nous passons d'un modèle où la plupart des contenus que vous voyez sur Facebook et Instagram viennent de vos amis ou des gens que vous suivez à un modèle ou davantage de contenus sont sélectionnés par une intelligence artificielle”. C’est avec ces mots que Mark Zuckerberg a confirmé mercredi 22 juin, lors d’une interview à CNBC, que les deux plateformes du groupe Meta allaient suivre le chemin tracé par TikTok. Il n’a donné aucune information concernant la valorisation de l’information fiable dans ce nouveau fonctionnement par intelligence artificielle, pourtant très critiqué chez son rival chinois. Alors que le modèle actuel du géant californien, qui valorise les interactions entre utilisateurs, nuit déjà à l’accès à une information fiable, RSF s’alarme d’un revirement stratégique qui prend pour modèle l’un des nouveaux champions de la désinformation.

Les grandes plateformes se montrent plus innovantes quand il s’agit de défendre leurs intérêts économiques que pour lutter contre la désinformation, estime Vincent Berthier, responsable du desk Technologies à RSF. En s’engageant dans la voie tracée par TikTok, Mark Zuckerberg acte le passage à une nouvelle ère de prospérité pour la désinformation. La réponse à cette désinformation ne peut pas être de la promouvoir par l’intelligence artificielle.”

TikTok est un concurrent redoutable pour les plateformes américaines. L’application de vidéos du chinois ByteDance revendique 1,5 milliard d’utilisateurs, et ses revenus ont augmenté de 215 % en 2021. Son succès repose sur son fil principal, nommé “Pour toi” en français, alimenté par une intelligence artificielle puisant dans l’ensemble des contenus hébergés sur TikTok. N’importe quel utilisateur peut donc être exposé à n’importe quel contenu, sans aucune transparence sur les motifs du choix effectué. Le circuit entier de distribution de l’information est délégué à une machine complexe et secrète dont l’efficacité fait miroiter de fortes recettes publicitaires car elle parvient à capter longuement l’attention de ses utilisateurs. Et cette innovation est en passe de devenir la norme.

Les applications de réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram posent déjà de graves problèmes pour l’accès à l’information de qualité. Leurs modèles actuels mélangent interactions sociales et algorithmes de curation, qui sélectionnent les publications et les affichent sur les fils d’actualités des utilisateurs. Ils jouent donc un rôle de distribution et de classification des différents contenus produits par les comptes auxquels les utilisateurs ont choisi de s’abonner. Ce fonctionnement est déjà problématique car il diminue la visibilité des contenus journalistiques comme l’avait déjà dénoncé RSF. En septembre 2021, un article du Washington Post rapportait que, durant l’élection présidentielle américaine, les contenus de désinformation étaient six fois plus visibles que les contenus d’information. 

Le fonctionnement de TikTok pose dès maintenant de nouveaux problèmes. La désinformation représente toujours un intérêt économique pour les grandes plateformes. À l’avenir, chacun pourrait avoir droit à son propre univers de désinformation, taillé sur mesure par une intelligence artificielle. C’est déjà le cas depuis le début de la guerre en Ukraine où, comme au Kenya, le réseau social chinois s’impose d’ores et déjà comme un nouveau champion de la désinformation.

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