Mensonges et manipulation de “La Noche” de RCN contre Reporters sans frontières
Organisation :
Lettre ouverte à
Claudia Gurisatti, directrice, Jefferson Beltrán, sous-directeur et Juan Pablo Bieri, présentateur Programme “La Noche”
Francisco Santos, RCN, ancien vice-président de la République
Salud Hernández, éditorialiste du quotidien El Tiempo, correspondante d’El Mundo, Espagne
Mesdames, Messieurs,
Alors que prenaient fin les trente-deux jours de captivité de Roméo Langlois aux mains des FARC, le 30 mai 2012, vous avez consacré une partie de votre émission “La Noche” à un communiqué émis par Reporters sans frontières quelques jours avant cet événement, en réaction à l’annonce par la guérilla de la libération imminente du journaliste français. Ces quinze minutes ne jugent certes pas dans son entier la rédaction de la chaîne RCN, support de l’émission. Elles trahissent néanmoins votre singulière conception de la déontologie professionnelle et du débat public. Véritable opération de discrédit contre notre organisation, cette tranche d’émission pousse la manipulation et le mensonge au-delà de la caricature. Ainsi donc, Reporters sans frontières aurait commis le sacrilège de déclarer, le 27 mai dernier que “en tenant leur engagement, manifesté dès le 6 mai, de libérer Roméo Langlois, les FARC auront par là même respecté leur résolution solennelle – du 26 février dernier – de ne plus détenir de civils”. En somme, nous aurions péché par complaisance à l’égard de la guérilla en nous abstenant de réclamer la libération immédiate de notre collègue. Nous avions pourtant porté haut et fort cette exigence dès le 7 mai - y compris à l’antenne de RCN et d’autres médias colombiens – lorsque les FARC ont confirmé détenir Roméo Langlois. Ce petit rappel aurait mérité d’être souligné ou au moins mentionné par le présentateur Bieri, tout comme notre condamnation “sans réserves” de l’attentat commis, le 15 mai, contre Fernando Londoño sur lequel vous nous accusez d’avoir gardé le silence. Avez-vous bien lu l’annonce des FARC du 26 mai ? Loin de se limiter à une vague promesse, le message fixait la date précise et les conditions de la libération de Roméo Langlois. Devions-nous considérer d’emblée cette annonce comme nulle et non avenue ? Ne pas croire à une libération prochaine de Roméo Langlois ? Cet espoir-là justifiait a fortiori de rappeler les FARC à leur promesse solennelle de ne plus détenir de personnes civiles. Roméo Langlois a, certes, été retenu prisonnier trente-deux jours de trop, comme de nombreux civils colombiens avant lui l’ont été pendant des années. Les FARC étaient, il est vrai, en train de trahir leur propre parole durant ces trente-deux jours, comme nous l’avions justement souligné dans notre communiqué du 7 mai. Nous avons voulu le leur signifier tout en ménageant la sécurité de notre collègue. En état de guerre, chaque mot a son poids. Votre procès contre Reporters sans frontières devrait-il s’arrêter à une formule ? Il se poursuit contre l’“idéologie” qui s’en déduirait : en perdant, paraît-il, sa crédibilité sur une phrase, Reporters sans frontières aurait révélé son visage d’auxiliaire ou de soutien de la guérilla ! Rien que cela ! L’hypothèse devient avec vous une évidence grâce à des invités choisis à dessein et servis par les questions complaisantes du présentateur. Ainsi, l’ancien vice-président Francisco Santos (photo) nous compare au site web Anncol et nous accuse même d’être “complices de l’enlèvement” de notre collègue ! Un tel commentaire expose à un danger direct le personnel de Reporters sans frontières, étant entendu qu’Anncol est considéré en Colombie comme un organe de propagande au service des FARC et que son éditeur, Joaquín Pérez, doit aujourd’hui répondre de plusieurs inculpations devant la justice du pays. Dans le même ordre d’idée, la journaliste espagnole Salud Hernández va jusqu’à affirmer que notre communiqué “justifierait la séquestration de Roméo Langlois” (sic). Se trouve-t-il quelqu’un pour atténuer des propos aussi délirants et dangereux ? “La Noche” a préféré s’adresser à notre correspondante… au Mexique. Nous ignorons si vous l’avez contactée par “manque de temps”. Peut-être avez-vous oublié que Reporters sans frontières compte également une correspondante en Colombie. Peut-être avez-vous égaré nos numéros de téléphone ce qui ne laisse pas de surprendre alors que RCN s’est, par ailleurs, entretenu à plusieurs reprises avec notre secrétariat international en France. Nous comprenons encore moins l’agacement de l’ancien vice-président Santos et les attaques du présentateur de “La Noche” contre notre position consistant à rappeler à la communauté internationale qu’un conflit armé perdure bel et bien en Colombie. Il suffit pourtant se référer à plusieurs rapports publiés cette année, comme celui du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, celui d’Amnesty International, ou encore celui de Human Rights Watch, qui soulignent ensemble la volonté de l’actuel gouvernement colombien de reconnaître l’existence d’un tel conflit. Il demeurera, pour notre part, un réel motif de préoccupation compte tenu de ses incidences évidentes sur la liberté d’informer. Notre solidarité à l’égard de Roméo Langlois est restée sans faille. Nous aurions aimé vous voir manifester la même alors que l’ancien président Alvaro Uribe l’accusait via Twitter, à l’issue de sa libération, de “sympathie pour les terroristes”. La propagande ne s’embarrasse ni de confrontation ni de vérification. C’est votre choix, c’est votre droit. Votre peu de rigueur journalistique se vérifie encore lorsque Francisco Santos nous reproche de ne “jamais parler de la situation des journalistes au Venezuela”. Des affirmations de ce genre valent largement les perles du gouvernement de Caracas, pour qui ne nous sommes non pas des “alliés des FARC”, mais des “laquais de l’Empire étatsunien” ! Oui, vraiment, notre organisation s’amuserait de toutes ces insanités si elles ne mettaient en danger nos correspondants ainsi que tous ceux que nous défendons. Nous condamnons le manque d’objectivité, de professionnalisme et la manipulation de l’information manifestés lors de cette émission. Olivier Basille, directeur général de Reporters sans frontières
Benoît Hervieu, bureau Amériques de Reporters sans frontières
Claudia Gurisatti, directrice, Jefferson Beltrán, sous-directeur et Juan Pablo Bieri, présentateur Programme “La Noche”
Francisco Santos, RCN, ancien vice-président de la République
Salud Hernández, éditorialiste du quotidien El Tiempo, correspondante d’El Mundo, Espagne
Mesdames, Messieurs,
Alors que prenaient fin les trente-deux jours de captivité de Roméo Langlois aux mains des FARC, le 30 mai 2012, vous avez consacré une partie de votre émission “La Noche” à un communiqué émis par Reporters sans frontières quelques jours avant cet événement, en réaction à l’annonce par la guérilla de la libération imminente du journaliste français. Ces quinze minutes ne jugent certes pas dans son entier la rédaction de la chaîne RCN, support de l’émission. Elles trahissent néanmoins votre singulière conception de la déontologie professionnelle et du débat public. Véritable opération de discrédit contre notre organisation, cette tranche d’émission pousse la manipulation et le mensonge au-delà de la caricature. Ainsi donc, Reporters sans frontières aurait commis le sacrilège de déclarer, le 27 mai dernier que “en tenant leur engagement, manifesté dès le 6 mai, de libérer Roméo Langlois, les FARC auront par là même respecté leur résolution solennelle – du 26 février dernier – de ne plus détenir de civils”. En somme, nous aurions péché par complaisance à l’égard de la guérilla en nous abstenant de réclamer la libération immédiate de notre collègue. Nous avions pourtant porté haut et fort cette exigence dès le 7 mai - y compris à l’antenne de RCN et d’autres médias colombiens – lorsque les FARC ont confirmé détenir Roméo Langlois. Ce petit rappel aurait mérité d’être souligné ou au moins mentionné par le présentateur Bieri, tout comme notre condamnation “sans réserves” de l’attentat commis, le 15 mai, contre Fernando Londoño sur lequel vous nous accusez d’avoir gardé le silence. Avez-vous bien lu l’annonce des FARC du 26 mai ? Loin de se limiter à une vague promesse, le message fixait la date précise et les conditions de la libération de Roméo Langlois. Devions-nous considérer d’emblée cette annonce comme nulle et non avenue ? Ne pas croire à une libération prochaine de Roméo Langlois ? Cet espoir-là justifiait a fortiori de rappeler les FARC à leur promesse solennelle de ne plus détenir de personnes civiles. Roméo Langlois a, certes, été retenu prisonnier trente-deux jours de trop, comme de nombreux civils colombiens avant lui l’ont été pendant des années. Les FARC étaient, il est vrai, en train de trahir leur propre parole durant ces trente-deux jours, comme nous l’avions justement souligné dans notre communiqué du 7 mai. Nous avons voulu le leur signifier tout en ménageant la sécurité de notre collègue. En état de guerre, chaque mot a son poids. Votre procès contre Reporters sans frontières devrait-il s’arrêter à une formule ? Il se poursuit contre l’“idéologie” qui s’en déduirait : en perdant, paraît-il, sa crédibilité sur une phrase, Reporters sans frontières aurait révélé son visage d’auxiliaire ou de soutien de la guérilla ! Rien que cela ! L’hypothèse devient avec vous une évidence grâce à des invités choisis à dessein et servis par les questions complaisantes du présentateur. Ainsi, l’ancien vice-président Francisco Santos (photo) nous compare au site web Anncol et nous accuse même d’être “complices de l’enlèvement” de notre collègue ! Un tel commentaire expose à un danger direct le personnel de Reporters sans frontières, étant entendu qu’Anncol est considéré en Colombie comme un organe de propagande au service des FARC et que son éditeur, Joaquín Pérez, doit aujourd’hui répondre de plusieurs inculpations devant la justice du pays. Dans le même ordre d’idée, la journaliste espagnole Salud Hernández va jusqu’à affirmer que notre communiqué “justifierait la séquestration de Roméo Langlois” (sic). Se trouve-t-il quelqu’un pour atténuer des propos aussi délirants et dangereux ? “La Noche” a préféré s’adresser à notre correspondante… au Mexique. Nous ignorons si vous l’avez contactée par “manque de temps”. Peut-être avez-vous oublié que Reporters sans frontières compte également une correspondante en Colombie. Peut-être avez-vous égaré nos numéros de téléphone ce qui ne laisse pas de surprendre alors que RCN s’est, par ailleurs, entretenu à plusieurs reprises avec notre secrétariat international en France. Nous comprenons encore moins l’agacement de l’ancien vice-président Santos et les attaques du présentateur de “La Noche” contre notre position consistant à rappeler à la communauté internationale qu’un conflit armé perdure bel et bien en Colombie. Il suffit pourtant se référer à plusieurs rapports publiés cette année, comme celui du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, celui d’Amnesty International, ou encore celui de Human Rights Watch, qui soulignent ensemble la volonté de l’actuel gouvernement colombien de reconnaître l’existence d’un tel conflit. Il demeurera, pour notre part, un réel motif de préoccupation compte tenu de ses incidences évidentes sur la liberté d’informer. Notre solidarité à l’égard de Roméo Langlois est restée sans faille. Nous aurions aimé vous voir manifester la même alors que l’ancien président Alvaro Uribe l’accusait via Twitter, à l’issue de sa libération, de “sympathie pour les terroristes”. La propagande ne s’embarrasse ni de confrontation ni de vérification. C’est votre choix, c’est votre droit. Votre peu de rigueur journalistique se vérifie encore lorsque Francisco Santos nous reproche de ne “jamais parler de la situation des journalistes au Venezuela”. Des affirmations de ce genre valent largement les perles du gouvernement de Caracas, pour qui ne nous sommes non pas des “alliés des FARC”, mais des “laquais de l’Empire étatsunien” ! Oui, vraiment, notre organisation s’amuserait de toutes ces insanités si elles ne mettaient en danger nos correspondants ainsi que tous ceux que nous défendons. Nous condamnons le manque d’objectivité, de professionnalisme et la manipulation de l’information manifestés lors de cette émission. Olivier Basille, directeur général de Reporters sans frontières
Benoît Hervieu, bureau Amériques de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on
20.01.2016