Mali : retrait de la licence de Joliba TV, la presse indépendante en péril

La licence de Joliba TV News a été retirée par la Haute Autorité de la communication (HAC), après une plainte déposée par son homologue burkinabè le 12 novembre. Reporters sans frontières (RSF) déplore une décision politique et appelle la HAC à rétablir le signal de la chaîne privée. 

Écran noir pour Joliba TV News ce mardi 26 novembre. La licence de la chaîne privée, déjà suspendue en novembre 2022, a été retirée par la Haute Autorité de la communication (HAC), comme annoncé le 21 novembre. Les responsables de la chaîne ont déposé un recours gracieux - toujours en cours d'examination - auprès de l'organe de régulation. 

Neuf jours plus tôt, le Conseil supérieur de la communication (CSC), organe de régulation des médias au Burkina Faso, avait déposé une plainte auprès de son homologue malien, après la diffusion de l’émission de débat “Rendez-vous des idées” le 10 novembre. L’un des invités de l’émission, Issa Kaou N'Djim, personnalité politique qui, depuis, a été arrêté et emprisonné, avait remis en cause une tentative de déstabilisation survenue au Burkina Faso, en la qualifiant de “mise en scène”.

Contactée par RSF, une source interne à la HAC estime que la décision prise est loin de faire l’unanimité au sein de l’organe de régulation. Le 23 novembre, la Maison de la presse et l’ensemble des organisations professionnelles ont aussi appelé la HAC à revenir sur sa décision. Si rien n’est fait, elles menacent de diffuser de façon synchronisée l’élément incriminé. Selon les informations de RSF, une ultime séance de médiation, jugée “productive” selon l’un des participants, s’est tenue le 25 novembre. Son issue n’est pas encore connue. 

Joliba TV News est suivie par une grande partie de la population, et a toujours été un média local jouant un rôle de premier plan dans la sauvegarde du pluralisme médiatique au Mali. Le retrait de sa licence et sa suspension confirment le rétrécissement chaque jour plus notable de la liberté de la presse dans le pays. À l’instant où la HAC du Mali donne raison à son homologue burkinabè, le dossier de Joliba TV News devient politique. RSF appelle les autorités à annuler immédiatement la décision et à ne prononcer aucune suspension individuelle, afin de laisser Joliba TV News continuer son essentiel travail d’information.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Le 14 novembre, le journaliste animateur du “Rendez-vous des idées” Mohamed Attaher Halidou et le directeur de Joliba TV News ont été convoqués à la HAC pour une audition sur l’émission du 10 novembre. L’organe de régulation avait alors mis en cause, à la suite d’une plainte du CSC burkinabé, la responsabilité du média, en s’attardant longuement sur le titre de la séquence, qualifiant cette dernière “d’offense à un chef d’État étranger”.

Joliba TV : l’un des derniers bastions de la presse indépendante 

Créé en 2021, Joliba TV News s’est rapidement imposée comme l’une des chaînes de référence du paysage médiatique malien, notamment par sa présence sur les réseaux sociaux. D’après un journaliste malien souhaitant garder l’anonymat, cette chaîne privée, qui emploie près de 45 personnes, est aujourd’hui l’un des derniers médias du pays qui “refuse d’être une caisse de résonance de la junte”.

Entre la mise au ban de plusieurs médias internationaux, dont LCI en août et TV5Monde en septembre, et les menaces adressées aux journalistes maliens, parfois contraints de quitter leur pays, la situation des journalistes s’est considérablement détériorée au Mali depuis l’arrivée au pouvoir d’Assimi Goïta. L’insécurité règne, en témoigne le meurtre du journaliste de la radio Naata Abdoul Aziz Djibrilla et l’enlèvement de deux journalistes de radios communautaires en novembre 2023, près de Gao. RSF et plus de 500 radios communautaires ont appelé à la protection du journalisme local au Sahel en septembre 2024. 

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