Malgré les progrès démocratiques, les journalistes turcs restent sous forte pression
Organisation :
« Nous sommes venus à Istanbul pour exprimer notre préoccupation concernant l’état de la liberté de la presse dans le pays. Même s’il est évident que des progrès ont été réalisés depuis les années 90 où les journalistes étaient emprisonnés par centaines, il reste encore beaucoup à faire. La Turquie n’est pas encore un pays respectueux de la liberté de la presse. Il faut être très courageux pour exercer le métier de journaliste en Turquie. C’est un métier dangereux qui expose à des peines de prison, à des menaces ou à des violences. Il est inquiétant de constater que tous les journalistes sont menacés et plus seulement ceux qui traitent de la question kurde et de l’armée, comme c’était le cas il y a quinze ans. Nous demandons aux autorités turques de faire de la défense de la liberté d’expression une priorité nationale. Le Premier ministre doit montrer son engagement à défendre les droits des journalistes à s’exprimer librement. Pour le moment, il ne l’a pas fait », a déclaré Reporters sans frontières à l’issue d’une mission d’enquête de six jours en Turquie.
L’organisation s’est rendue à Istanbul du 13 au 19 avril pour enquêter sur les récentes arrestations et détentions de professionnels des médias, et faire un point de la situation de la liberté de la presse dans le pays. Reporters sans frontières a rencontré des journalistes de tous bords et des reporters indépendants, des avocats de journalistes poursuivis, des membres d’associations professionnelles, ainsi que des personnalités de la société civile engagées dans les importantes mobilisations actuelles en faveur de la liberté de la presse. En particulier, les représentants de l’organisation se sont entretenus avec des proches et des représentants légaux d’Ahmet Sik, incarcéré depuis le 3 mars 2011, et de Hrant Dink, assassiné le 19 janvier 2007.
Cette mission a été l’occasion de prendre la mesure de la mobilisation actuelle en faveur de la liberté de la presse en Turquie. Au-delà de la société civile, très active, la profession s’est très largement mobilisée en soutien aux journalistes récemment arrêtés, faisant preuve d’une belle solidarité.
Le 19 avril 2011, une conférence de presse sur le thème « Arrestations et détentions de journalistes en Turquie : la liberté de la presse en danger » a réuni à Istanbul le Secrétaire Général de Reporters sans frontières Jean-François Julliard, la Secrétaire Générale de l’Association des Journalistes de Turquie (TGC) Sibel Günes, et le représentant des Amis d’Ahmet Sik et de Nedim Sener, Ismail Saymaz.
Reporters sans frontières appelle la justice turque à restreindre nettement le recours aux procédures d’exception anti-terroristes contre des journalistes ne faisant que leur travail. En particulier, les articles de la Loi Anti-terroriste prévoyant des peines de prison pour « propagande d’une organisation terroriste » aboutissent très souvent à déférer des journalistes devant les tribunaux spécialisés sur le crime organisé, et doivent impérativement être supprimés.
L’organisation appelle les autorités turques à prendre au sérieux les listes de journalistes emprisonnés compilées par les ONG turques et internationales, l’OSCE et l’Union européenne. Ces listes doivent être étudiées dans un esprit d’ouverture et de collaboration, et les journalistes incarcérés pour leur seule activité professionnelle doivent être immédiatement relâchés.
Version turque :
Publié le
Updated on
20.01.2016