Reporters sans frontières rappelle aux chefs d'Etat et de gouvernement des pays démocratiques présents aux cérémonies d'investiture du président gambien Yahya Jammeh, que le 16 décembre 2006 marque surtout le deuxième anniversaire de l'assassinat encore impuni du journaliste Deyda Hydara.
Reporters sans frontières rappelle aux chefs d'Etat et de gouvernement des pays démocratiques présents aux cérémonies d'investiture du président gambien Yahya Jammeh, que le 16 décembre 2006 marque surtout le deuxième anniversaire de l'assassinat encore impuni du journaliste Deyda Hydara.
L'organisation met en garde notamment le Premier ministre taïwanais Su Tseng-Chang, dont le pays est un soutien privilégié du gouvernement gambien, contre son appui à l'un des prédateurs de la liberté de la presse.
"Dix journalistes arrêtés en 2006, un disparu, de nombreux autres en exil, d'innombrables crimes impunis dont on soupçonne les partisans du Président d'être les auteurs ou les complices, la mémoire d'un journaliste assassiné sali par le gouvernement et un climat de peur permanent : le bilan de Yahya Jammeh en termes de liberté de la presse est épouvantable. Le président gambien revendique du reste son mépris pour les règles démocratiques. Nous appelons tous les chefs d'Etat et de gouvernement démocratiques, courtisés par un pouvoir aussi agressif, à ne pas se faire les complices de ce bilan et à aider les journalistes gambiens à reconquérir leur liberté", a déclaré Reporters sans frontières.
Les 15 et 16 décembre, Yahya Jammeh a organisé une fastueuse cérémonie d'investiture à l'occasion de sa prise de fonctions pour un nouveau mandat de cinq ans. De nombreux chefs d'Etat et de gouvernement ont été conviés à participer à ce que l'ancien putschiste, réélu dans des conditions douteuses avec 67,4% des voix en septembre dernier, a qualifié de "très grande célébration de la victoire et une opportunité pour la jeunesse gambienne de développer ses talents musicaux".
Cofondateur et directeur de The Point, correspondant de l'Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières à Banjul, Deyda Hydara a été tué par balles le 16 décembre 2004, alors qu'il raccompagnait deux employées de son journal en voiture. Il avait auparavant fait l'objet de menaces de la part des services de renseignements, lesquels le surveillaient physiquement quelques minutes avant son assassinat, perpétré dans une rue longeant une caserne de la police. Aucune enquête sérieuse n'a été menée pour identifier ses assassins et leurs commanditaires. La seule communication officielle des enquêteurs gambiens, six mois après l'assassinat, laissait entendre que Deyda Hydara, qualifié de “provocateur”, pouvait avoir été tué pour des affaires de mœurs inventées de toutes pièces.
Interrogé sur ce crime, Yahya Jammeh a déclaré en septembre 2006 : "Je ne crois pas dans l'assassinat. Je crois dans l'emprisonnement pour le reste de votre vie. Alors, peut-être, à un moment donné, nous dirons : 'Oh ! Il est trop vieux pour être nourri par l'Etat'. Nous le relâchons et nous le laisserons sombrer dans la déchéance. Alors tout le monde en tirera une bonne leçon." A un journaliste qui l'interrogeait sur les fréquentes arrestations arbitraires de journalistes et la fermeture illégale du bihebdomadaire privé The Independent, Yahya Jammeh a par ailleurs répondu : "Que le monde aille au diable. Si j'ai de bonnes raisons de fermer les bureaux d'un journal, je le ferai."
The Independent, dont l'imprimerie avait été incendiée en 2004 par des hommes identifiés par un député de l'opposition comme des membres de la Garde nationale, est mis sous scellés et illégalement empêché de reparaître depuis le 28 mars 2006. Un procès a été intenté à l'un de ses journalistes, Lamin Fatty, détenu pendant plus d'un mois sans avoir eu accès à un avocat. Il est jugé en vertu d'une loi draconienne prévoyant de lourdes peines de prison. Le directeur général du journal, Madi Ceesay, par ailleurs président de la Gambia Press Union (GPU, le syndicat des journalistes), et son rédacteur en chef, Musa Saidykhan, ont été quant à eux détenus au secret pendant près de trois semaines, entre le 28 mars et le 20 avril, en dehors de toute procédure légale. Au moins dix journalistes ont été arrêtés dans le courant de l'année 2006 et détenus dans des conditions similaires. L'un d'eux, "Chief" Ebrima Manneh, journaliste du quotidien privé progouvernemental Daily Observer, a pour sa part disparu depuis le 7 juillet.