Liban : RSF adresse dix recommandations au nouveau gouvernement, dirigé par Nawaf Salam, ancien président de la CIJ

Reporters sans frontières (RSF), dans une feuille de route de 10 recommandations phares, appelle le nouveau gouvernement, mené par Nawaf Salam, ancien président de la Cour internationale de justice (CIJ) à faire de la lutte contre l’impunité sa priorité et à traduire en justice les auteurs présumés des crimes commis contre 12 journalistes depuis 2005.

Les réformes en matière de liberté de la presse et de droit à l’information au Liban sont nécessaires. Des années de blocage politique et de répression, une crise financière qui a secoué les rédactions et une guerre avec Israël qui a particulièrement ciblé les journalistes, ont fait chuter le pays de 21 places dans le Classement 2024 de RSF

Le lendemain de sa désignation, Paul Morcos a, dans ses priorités en tant que nouveau ministre de l'information du gouvernement de Nawaf Salam, annoncé la révision d'un projet de loi sur les médias visant à “réguler les libertés des médias et à revitaliser la télévision publique”.  RSF, qui avait enclenché un dialogue fructueux avec son prédécesseur, Ziad Makari, l’invite aussi à s’emparer de dix axes stratégiques pour le secteur à commencer par la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes. 

“RSF présente au nouveau gouvernement ses dix propositions pour protéger le droit à l’information libre, indépendante et pluraliste dans le pays. Les réformes promises par ce gouvernement doivent commencer par le renforcement de la liberté de la presse et la protection des journalistes. Et cet objectif ne peut s'achever qu'en rendant justice aux journalistes tués du Liban. Nawaf Salam, ancien juge président de la CIJ et désormais premier ministre, doit faire de la lutte contre l’impunité sa priorité et traduire en justice les auteurs présumés des crimes commis contre 12 journalistes tués à cause de leur métier depuis 2005.”

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Les dix recommandations de RSF : 

1- Mettre fin à l’impunité systémique qui protège les auteurs des crimes contre les journalistes. Relancer les enquêtes indépendantes sur les meurtres d’au moins 12 journalistes tués à cause de leur métier depuis 2005. Parmi ceux-là : le journaliste emblématique Samir Kassir et le rédacteur en chef du quotidien An-Nahar Gebran Tuéni dont les assassinats en 2005 sont attribués au régime syrien de Bachar al-Assad et au Hezbollah ; l’éditorialiste Lokman Slim tué en 2021 à la suite de ses critiques du Hezbollah et le photojournaliste de Reuters Issam Abdallah, tué par une frappe israélienne ciblée le 13 octobre 2023, selon six enquêtes indépendantes dont celle de RSF. Traduire en justice tous les auteurs de ces crimes. 

2- Garantir que les journalistes faisant l’objet de plaintes soient déférés devant l’autorité judiciaire compétente, à savoir le tribunal des publications, comme le prévoit la loi libanaise. Empêcher la convocation des journalistes à des interrogatoires abusifs par des instances non qualifiées, tel le Centre d'enquête criminelle, la Sûreté générale, le Tribunal militaire ou le Bureau de lutte contre la cybercriminalité. Et ce, qu'il s'agisse de journalistes indépendants, de blogueurs ou d'employés de médias traditionnels ou numériques. Rien qu’en janvier et février 2025, les médias indépendants Megaphone News et Daraj Media ont fait l'objet de convocations abusives de la part du Bureau de la lutte contre la cybercriminalité.  

3- Réformer le cadre juridique en adoptant le projet de loi sur les médias qui prend en compte les recommandations des journalistes et des organisations locales telles que la Fondation Samir Kassir, partenaire de RSF, ou le Rassemblement du Syndicat alternatif de la presse, et de l’UNESCO. La loi sur les médias doit protéger les journalistes et les médias traditionnels et numériques, conformément à la Constitution libanaise et à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle ne doit en aucun cas être détournée à des fins politiques ou répressives.

4- Renforcer l’indépendance des rédactions en mettant en place des régulations et des dispositifs protégeant les médias et les journalistes des pressions politiques et financières. 

5- Consacrer le droit des journalistes à s'organiser. Protéger les organisations, syndicales ou non, qui œuvrent pour la défense de la liberté de la presse, et tenir compte des dispositions légales correspondantes.

6- Simplifier l’octroi de licences aux médias pour encourager le pluralisme et lutter contre la concentration médiatique.

7- Traiter et poursuivre les alertes et les plaintes des journalistes concernant leur sécurité, qu'il s’agisse d’atteinte physique ou en ligne. Décourager les attaques diffamatoires contre les journalistes au niveau politique et travailler avec les plateformes numériques pour imposer des mécanismes de sécurité en ligne qui protègent les reporters. 

8- Garantir aux journalistes le droit de couvrir librement l’ensemble du territoire libanais, en toute sécurité, conformément aux lois et à la Constitution.

9- Renforcer la protection physique des journalistes et des collaborateurs de médias, en mettant en place des mesures de sécurité adaptées, notamment pour ceux couvrant des zones de conflit, afin de prévenir les attaques et les intimidations. Former les forces de l’ordre au respect de la liberté de la presse, en particulier lors des manifestations et des événements publics. Le nouveau gouvernement peut notamment s’appuyer, parmi les acteurs, sur RSF et son bureau régional pour la liberté de la presse basé à Beyrouth.

10- Garantir l’accès à l’information en facilitant la consultation des documents publics et en instaurant une culture de transparence gouvernementale. 

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