Liban : les journalistes pris en étau entre militants politiques et forces de sécurité lors des élections législatives

Plusieurs journalistes ont été pris à partie alors qu’ils couvraient les élections législatives. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces actes violents et demande aux autorités libanaises de faire la lumière sur ces affaires et de mettre fin à l'impunité des crimes contre les journalistes.

Depuis les manifestations d’octobre 2019, les journalistes sont livrés à eux-mêmes. Le déchaînement contre la profession s’intensifie : violences physiques, menaces de représailles, micros arrachés, interruptions pendant des interventions en direct… militants politiques et forces de l’ordre ont recours à une violence disproportionnée. Le 15 mai 2022, les élections législatives ont de nouveau été le théâtre d’une violence effrénée contre les journalistes. 

Après avoir révélé des violations dans le déroulement du scrutin de la part de membres du Hezbollah et du parti Amal dans le village d’Ansar (Sud du pays), ou il couvrait le scrutin, le photojournaliste Hussein Bassal du média en ligne Megaphones a été violemment battu par des militants du Hezbollah. Dans sa déclaration à RSF, corroborée par plusieurs témoins sur place, Bassal explique avoir été abordé par un homme qui a arraché son accréditation de presse et l’a menacé. Il a ensuite été “jeté au sol et frappé à coups de pied” par une vingtaine de militants du Hezbollah. Il a finalement réussi à échapper aux militants en colère, et a pu être escorté par des soldats jusqu'à l'hôpital américain AUBMC à Beyrouth, où il a reçu des soins pour plusieurs fractures. Dans une vidéo devenue virale, qui a été diffusée par Megaphones, le journaliste détaille l’attaque qu’il a subie et déclare qu’elle était liée à "une phobie de la caméra du Hezbollah”.

Le même jour a eu lieu une autre inquiétante dérive mettant en péril la liberté de la presse, mais cette fois, de la part des forces de sécurité. Le journaliste Salman Andary et le photographe Mohammed Hanoun, membres de Skynewsarabia ont été empêchés de diffuser une information en direct par les forces de sécurité, dans l’un des bureaux de vote à Dekouané (au nord de Beyrouth). Quant au journaliste Maher Qamar de la chaîne télévisée Al-Manar qui appartient au Hezbollah, alors qu’il se dirigeait avec son équipe pour couvrir les élections dans un bureau de vote dans la ville de Machghara, à l’ouest de la Bekaa, des individus lui ont barré la route avant d’attaquer son véhicule et de le battre, lui infligeant de multiples fractures.

L’ambiance est de plus en plus délétère pour les journalistes au Liban. Nous exigeons des autorités du pays d’ouvrir une enquête et d'identifier les agresseurs de journalistes afin de les condamner comme il se doit, a déclaré le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, Si ces agressions devaient restées impunies, on pourrait assister à une amplification du phénomène qui serait de plus en plus difficile à endiguer”.  

Le constat est très alarmant pour la liberté de la presse dans le pays. La succession de violences est symptomatique d’une culture de l’impunité qui sévit au Liban. Que ce soient les nombreuses agressions contre les journalistes perpétrées après l’explosion du port de Beyrouth en 2020, ou l’assassinat de l’analyste politique Lokman Slim en 2021, affaire pour laquelle RSF avait saisi l’ONU, toutes ces violences sans restées sans suite.

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