Reporters sans frontières est heureuse d'apprendre la libération de l'ancien critique d'art des Nouvelles de Liuyang, Yu Dongyue, le 22 février 2006, après seize ans d'incarcération. En raison de tortures et de longues périodes d'isolement, il est devenu fou et ne reconnaît plus sa famille. Lors des manifestations étudiantes de 1989, il avait jeté de la peinture sur le portrait de Mao Zedong, place Tiananmen, et écrit des articles en faveur de la liberté d'expression.
Reporters sans frontières prend acte de la libération du critique d'art Yu Dongyue, emprisonné depuis les manifestations étudiantes de juin 1989. C'est un homme détruit, devenu fou suite aux tortures et à de longues périodes d'isolement, qui a retrouvé la liberté. Comble du cynisme, les autorités viennent de réarrêter son ancien compagnon, Yu Zhijian, pour « subversion ».
« Nous sommes, bien entendu, heureux de savoir Yu Dongyue enfin libre. Nous espérons qu'il pourra trouver un peu de sérénité auprès des siens, après seize années d'enfermement. L'état physique et psychologique de Yu Dongyue illustre bien toute l'atrocité du système pénitentiaire chinois qui détruit des vies pour museler les voix dissidentes », a affirmé Reporters sans frontières qui demande la libération des 70 prisonniers d'opinion toujours détenus pour avoir participé au mouvement démocratique de 1989.
Le 22 février 2006, Yu Dongyue est sorti de la prison n°1 du Hunan (Sud), et a été reconduit chez lui à Shegang (Hunan), accompagné de son frère, Yu Xiyue.
« Il ne me reconnaît pas et nous ne nous comprenons pas », a déclaré son frère à l'agence de presse Reuters. « Il est mentalement très malade et il va être très difficile de prendre soin de lui », a ajouté sa mère, Wu Pinghua, au téléphone, qui est heureuse de retrouver son fils.
Yu Dongyue est atteint de troubles mentaux très graves après avoir été incarcéré au moins six mois dans une cellule de moins de 3 m2, puis maintenu pendant deux ans à l'isolement. Il a été régulièrement torturé. Selon Lu Decheng, un ancien codétenu, le journaliste s'agenouillait dès qu'il croisait un gardien et léchait le sol jonché de crachats.
Lu Decheng a affirmé que les gardiens avaient attaché Yu Dongyue à un poteau électrique et l'avaient laissé en plein soleil pendant plusieurs jours.
Journaliste et critique d'art aux Nouvelles de Liuyang, Yu Dongyue avait été condamné, le 11 juillet 1989, pour "sabotage" et "propagande contre-révolutionnaire ", à vingt ans de prison et cinq ans de privation de ses droits politiques, par la Cour populaire municipale intermédiaire de Pékin. Il avait jeté, le 23 mai 1989, des coquilles d'œuf remplies de peinture rouge sur le portrait de Mao Zedong, place Tiananmen. Les autorités reprochent également au journaliste ses articles favorables à la liberté d'expression, et d'avoir exprimé des opinions très avant-gardistes sur l'art.
Sa peine a été réduite de deux ans en 2000 après qu'il avait « sincèrement exprimé son repentir et son désir de se rééduquer », et une nouvelle fois de 15 mois en 2003. Malgré les demandes répétées de sa famille pour une libération pour « raisons médicales », les autorités avaient, en août 2005, repoussé la date de sortie de Yu Dongyue au 22 février 2006.
Ses deux amis, Lu Decheng et Yu Zhijian, présents avec lui le 23 mai 1989, avaient été mis en liberté auparavant.
Yu Zhijian vient d'être réarrêté après sa participation à une grève tournante de la faim en soutien à un avocat défenseur des droits de l'homme harcelé par le gouvernement. Sa famille a reçu notification de son arrestation et des charges de « subversion du pouvoir de l'Etat » portées contre lui. Il était libre depuis mars 2000 après onze ans de prison.
Lu Decheng, un ancien conducteur de bus, est actuellement détenu en Thaïlande. Il devrait partir pour le Canada, le 14 mars 2006, dans le cadre d'un programme de réinsertion du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies, malgré les demandes répétées du gouvernement chinois qui souhaite son rapatriement.