Les locaux d’un hebdomadaire d’extrême-gauche fracturés à la masse au nom de la lutte antiterroriste

Le 24 décembre 2010, les bureaux de l’hebdomadaire d’extrême-gauche, Yürüyüs, ont été violemment perquisitionnés par les forces de l’ordre. Cette perquisition officiellement opérée dans le but d’arrêter un membre d’une organisation terroriste, a été fortement critiquée par l’Association des juristes, contemporains (CHD). Reporters sans frontières est choquée par la brutalité de l’opération et s’insurge contre les autorités qui usent, une fois de plus, de la rhétorique antiterroriste pour incarcérer des professionnels des médias. Sur ordre de la cour d’assises d’Ankara, la police antiterroriste d’Istanbul a mené une opération coup de poing aux bureaux du journal, afin d’appréhender un militant du Parti révolutionnaire et populaire de libération (DHKP, organisation marxiste-léniniste considérée comme terroriste par l’Union européenne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et la Turquie). Dans la nuit du 24 décembre, des dizaines de policiers, assistés d’un hélicoptère et d’une masse, ont percé les murs de la rédaction. Les locaux de Yürüyüs ont été gravement endommagés et 3 000 livres et publications, conservés dans les archives de l’hebdomadaire, ont été saisis par la police. Le 28 décembre 2010, suite à cette opération, le rédacteur en chef, Halit Güdenoglu, trois membres de la rédaction, Kaan Ünsal, Cihan Gün, Musa Kurt, ainsi qu’une invitée du journal, Naciye Barbaros, ont été arrêtés pour “appartenance à l’organisation armée du Parti révolutionnaire et populaire de libération”. Après quatre jours de garde à vue, ils ont été transférés à la prison de Sican à Ankara. La cour d’assises d’Istanbul a rejeté en appel leur demande de libération le 4 janvier 2011. Selon l’Association des juristes contemporains (CHD), le militant recherché n’a aucun lien pratique ou officiel avec le journal et son domicile aurait pu être simplement identifié grâce au système informatique judiciaire. Cependant, la cour d’Ankara et les forces de police considèrent Yürüyüs comme porte-parole du Parti révolutionnaire et populaire de libération. Pour les avocats de la CHD, il ne fait aucun doute que cette perquisition s’inscrit dans l’ensemble des pressions endurées par le journal depuis plus de trois ans. Le 7 octobre 2007, le directeur de Yürüyüs, Ferhat Gerçek, avait été gravement blessé par les balles d’un policier, qui l’avaient rendu handicapé. Le président de la CHD à Istanbul, Taylan Tanay, a déclaré que cette opération violait l’article 26 de la Constitution turque et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Turquie est signataire. Reporters sans frontières et la CHD appellent conjointement les autorités turques à libérer les collaborateurs de Yürüyüs.
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Updated on 20.01.2016