Les journalistes, victimes collatérales de la répression politique
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À mesure que la contestation pro-démocratique prend de la vigueur en Azerbaïdjan, les professionnels des médias font désormais clairement l’objet d’une campagne de répression tous azimuts, de la part d’un régime cherchant désespérément à asseoir son contrôle sur l’information. Imposer le black-out, en empêchant les journalistes de couvrir les manifestations et en criminalisant les utilisateurs de Facebook, est déjà une stratégie éprouvée. Mais la pression sur les voix dissidentes est désormais montée d’un cran, avec la multiplication effarante des enlèvements et passages à tabac des journalistes d’opposition.
Le 3 avril 2011 au matin, trois individus en civil ont abordé le correspondant du journal Azadlig Ramin Deco dans son village de Rasulzade (20 km de Bakou), et l’ont forcé à monter dans leur voiture. Ils l’ont conduit jusqu’au village de Mashtaga (25km de Bakou), où ils lui ont fait subir d’intenses pressions psychologiques pendant huit heures. En particulier, le journaliste s’est vu demander avec insistance pourquoi il était si actif sur les réseaux sociaux, et pourquoi il écrivait des articles critiques du président Ilham Aliev. On lui a conseillé d’abandonner ses activités, sans quoi il s’exposerait à de « graves conséquences ». Avant de le relâcher à Bakou à 16h, ses kidnappeurs lui ont intimé de ne rien dire de ce qui venait de se produire.
Le journaliste s’en est malgré tout ouvert aux médias. Le lendemain soir, deux de ses agresseurs l’attendaient à la sortie de son bureau et l’ont sévèrement passé à tabac, « en représailles ».
Huit jours après l’enlèvement et l’agression de Seymour Khaziyev, ce nouvel incident contre un collaborateur du journal d’opposition Azadlig confirme la violence avec laquelle le pouvoir réagit à la montée de la contestation populaire.
Samedi 2 avril 2011, une trentaine de journalistes de différents médias ont été retenus aux abords de la place des Fontaines, à Bakou, où ils tentaient de couvrir une manifestation interdite par le pouvoir. Les forces anti-émeutes les ont empêchés de s’approcher de la place, de prendre des photos ou des vidéos des événements, et d’interviewer des manifestants. Une dizaine de reporters, dont Mehman Kerimli, Elchin Hasanov, Shahvalad Choban oglu, Zamin Haji, Sakit Zahidov et Zafar Guliyev, ont été violemment pris à partie par les forces de l’ordre et interpellés. Plusieurs ont été passés à tabac.
Le Parquet général d’Azerbaïdjan a par ailleurs ouvert une enquête pour « incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse » (article 283.1 du code pénal) à l’encontre de l’un des co-fondateurs du groupe Facebook qui appelait à manifester, le journaliste et activiste Elnur Majidli. Ayant reçu des menaces dans son pays, celui-ci vit en France depuis plusieurs mois. En son absence, c’est son père qui a été convoqué par le département des Enquêtes liées aux crimes graves, pour y être informé de la procédure en cours.
Quatre semaines après les premiers appels de ce type relayés sur Internet, ce 2 avril 2011 avait été baptisé « Journée de la colère » par les mouvements d’opposition, qui appelaient à manifester dans Bakou pour réclamer des changements démocratiques. Dans l’espace post-soviétique, l’Azerbaïdjan est pour l’instant le pays le plus touché par les mouvements de révolte démocratique inspirés des pays arabes. Le président Ilham Aliev a succédé en 2003 à son père Heydar Aliev, au pouvoir depuis 1969.
(Photo: AFP)
Publié le
Updated on
20.01.2016