Les journalistes afghans toujours victimes de menaces et de censure

Reporters sans frontières dénonce la recrudescence des violences et des menaces contre les journalistes en Afghanistan. L’organisation proteste également contre les appels des autorités afghanes à la censure de certains médias. Depuis 1er janvier 2013, l’organisation a recensé une trentaine d’agressions physiques et de menaces à l’encontre des journalistes, dont dix cas sont survenus dans les dix derniers jours, perpétrées par les autorités locales, des membres des forces de police ou par les taliban. “Face à la recrudescence des menaces et des crimes commis par les taliban, les prédateurs de la liberté de l’information et autres groupes de pression, le gouvernement doit redoubler d’efforts afin de protéger les professionnels des médias. Son indifférence face à ces violations des libertés fondamentales si durement acquises, compromet gravement le droit des citoyens à être informés”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 22 avril dernier, deux hommes circulant à moto ont ouvert le feu sur le véhicule d'Aliasghar Yaghobi, journaliste de la station de radio Mojdeh, dans la province de Herat. Le journaliste, blessé à la poitrine, a été transporté à l’hôpital. Son pronostic vital n’est pas engagé. La police, qui n’est pas parvenue à appréhender ses assaillants, a lancé une enquête. Le même jour, une dizaine de ses collègues lui ont exprimé leur soutien lors d’une manifestation. Dans un communiqué officiel, les taliban ont revendiqué “la mort d'Aliasghar Yaghobi, pour ses activités et pour avoir insulté l'islam dans ses émissions radiophoniques."» Depuis quelques mois, les taliban ont multiplié les menaces à l’encontre des journalistes. Le 17 avril, Ahmad Nadim Ghôri, directeur du mensuel Sam, dans la province de Ghôr, a reçu plusieurs menaces de mort en proctaliban. Journaliste de renom, connu pour ses critiques contre les mœurs intolérables dans la société, Ahmad Nadim Ghôri avait déclaré que “les activités journalistiques de (sa) fille (étaient) une raison supplémentaire à ces menaces.” Le 13 avril, Ebrahim Mohammadi, journaliste de la station de radio privée Faryad et de la radio Nationale d’Afghanistan, dans la province de Farah, a également été menacé de mort par les taliban. Les taliban ne sont toutefois pas les seuls auteurs de menaces envers les journalistes. Le 20 avril, Reporters sans frontières a été informée de menaces sur le journaliste de la chaîne Tolo TV Vali Arien. Suite à la diffusion d'une information sur la mort de trois personnes au cours d’une fête privée, les proches d'un des suspects arrêtés par la police, qui est le fils d'un ancien commandant de l’armée afghane, ont fait pression sur le journaliste et sa famille pour qu'il “réalise un reportage visant à innocenter le suspect.” Reporters sans frontières dénonce la passivité des forces de l’ordre de la province de Parwan (nord de Kaboul) dans cette affaire. Le 17 avril, Abdulmalik Khorasani, propriétaire de la station de radio Kocheh dans la province de Badakhchan, et le 20 avril, Nasir ahmad Sadegh, journaliste de chaîne privée Télé 1, dans la province de Takhâr, ont été violemment agressés par des policiers. La voiture de Khorasani a été endommagée par des membres des forces de police à son passage à un checkpoint, entre les villes de Chok et de Taleqan. Le journaliste avait consacré, quelques jours auparavant, plusieurs reportages aux manifestations populaires contre le chef de la police locale. Le même jour, dans la ville d'Herat, Nasir Ahmad Reha, journaliste pour la chaîne privée Asia TV avait été agressé et blessé par des individus non identifiés. Le 17 avril, Sharif Assel et Aziz Ahmad, deux journalistes de la chaîne privée Taban Télé, ont été verbalement agressés et insultés par la police d’Herat, alors qu’ils réalisaient un reportage sur des embouteillages et des accidents dans la ville. Vindicte officielle Le 22 avril, le Président Hamid Karzai, pour la deuxième fois en moins deux mois, a ordonné au ministère de l’Information et la Culture, d’empêcher la “diffusion de films et d’émissions contraires aux valeurs islamiques de la société afghane.” Cette consigne fait suite à une demande du Conseil des oulémas afghan. “Malgré sa fonction de garant de la République et de la Constitution, censée proscrire la censure, nous observons des directives et des accusations de plus en plus inquiétantes de la part des autorités afghanes. Ces attaques ne sont pas compatibles avec les devoirs d’un gouvernement démocratique”, a déclaré Reporters sans frontières. “Le conseil des Oulémas afghan profite de son influence sur le Président Karzai pour imposer ses lois liberticides aux médias et aux journalistes, sous prétexte de ‘lutter contre l’immoralité’ ou de 'préserver les valeurs islamiques’. Mais ce conseil n'a jamais condamné les violences et les menaces contre les médias et les journalistes quand il en avait l’occasion, alors qu’elles sont en totale contradiction avec les valeurs islamiques dont il se réclame. Ce n’est pas en se bornant à la censure des médias que le gouvernement afghan résoudra les multiples problèmes, et notamment de mœurs, qui se posent dans le pays”, a conclu l’organisation. Photo : SHAH MARAI / AFP
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Updated on 20.01.2016