Suspension de l’emblématique Radio Begum et arrestation arbitraire de deux collaborateurs, la répression tyrannique et incessante des médias en Afghanistan
![](/sites/default/files/styles/mobile_entete_full/public/medias/image/2025/02/radio%20begum%20CP.png?h=f860b134&itok=qcslupWK)
Les bureaux de Radio Begum ont été perquisitionnés et deux de ses employés ont été arrêtés. Le ministère de l'Information et de la Culture afghan a annoncé la suspension de la diffusion de la radio, invoquant “de multiples violations”, dont la fourniture de contenus à une chaîne de télévision basée à l’étranger, ainsi que le non-respect de sa licence. Reporters sans frontières (RSF) demande la libération immédiate des employés, ainsi que la levée de l’interdiction d’émission de la radio.
Mise à jour du 6 février 2025: Le 4 février, des agents du GDI et du ministère de l’Information ont également perquisitionné Jawanan Radio, autre radio de Begum Organization for Women, qui s’adresse à une audience masculine, et située dans les mêmes locaux que Radio Begum à Kaboul. Les deux employés arrêtés sont un journaliste sportif de Jawanan et un rédacteur de Radio Begum. Leur lieu de détention reste inconnu.
Radio emblématique des femmes afghanes, Radio Begum a annoncé le 4 février que des agents de la Direction générale du renseignement des talibans (GDI), accompagnés de membres du ministère de l'Information et de la Culture, avaient effectué une descente dans ses locaux le jour même. Ceux-ci ont interrogé les employés, confisqué les ordinateurs, les disques durs et les téléphones portables des femmes journalistes, et arrêté deux hommes, employés de la radio éducative. Dans un communiqué publié sur X, le ministère de l'Information et de la Culture, a déclaré ensuite que la diffusion de Radio Begum était suspendue pour “non-respect des politiques de diffusion et de l'utilisation inappropriée de sa licence.” Elle est également accusée de “fournir des contenus et des programmes à une chaîne de télévision basée à l'étranger”. Le média appartient à Begum Organization for Women (BOW), une ONG fondée en 2020 qui a lancé successivement Radio Begum le 8 mars 2021, Begum TV en mars 2024, ainsi qu’une plateforme éducative en 2023. Les équipes sont réparties entre l’Afghanistan et la France.
“Le ciblage de Radio Begum par les talibans constitue une nouvelle attaque scandaleuse contre la liberté de la presse. En réduisant au silence une radio dédiée aux femmes afghanes sous le prétexte de réglementations vagues, le régime réaffirme une volonté de censure brutale qui s'inscrit dans une politique de répression médiatique généralisée. RSF exige la libération immédiate des deux employés arrêtés et la réouverture sans délai de Radio Begum.
La répression visant Radio Begum intervient dans un contexte d’intensification de la répression des médias en Afghanistan. Le durcissement idéologique et la multiplication des interdictions dans l'Émirat islamique a provoqué la fermeture d’au moins 12 médias par les talibans en moins d’un an. Plus de 140 journalistes ont été victimes d’interpellations ou de détention, et 80 % des femmes journalistes ont quitté la profession. Les quelques rares femmes journalistes encore en activité sont soumises à toutes sortes de restrictions (interdiction d'accès aux sources officielles, de voyager sans chaperon, séparation des hommes et des femmes sur le lieu de travail, disparition progressive des écrans et des ondes etc.).
Frappées par de multiples interdictions, les Afghanes ont été progressivement exclues de l'espace public, et des études secondaires et universitaires. C’est dans ce contexte que Radio Begum avait recentré son activité sur des programmes éducatifs accessibles dans les foyers. Alors que l'ONU dénonce un "apartheid de genre", le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a annoncé fin janvier avoir requis des mandats d'arrêt contre deux hauts dirigeants du régime taliban accusés de crime contre l’humanité pour violation systématique des droits fondamentaux des filles et des femmes du pays. RSF manifeste à nouveau son soutien à cette décision et continue de dénoncer les restrictions qui entravent la liberté d’exercer des journalistes afghanes.