Les groupes "terroristes" interdits d'antenne
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Quelques jours après que l'armée philippine a réclamé une loi punissant les organes de presse qui diffusent des interviews de "groupes terroristes", la présidente Gloria Arroyo a mis en garde, le 5 mars 2005, ces médias. L'interdiction de s'entretenir avec les groupes rebelles est également incluse dans un projet de loi antiterroriste actuellement en discussion au Congrès.
Reporters sans frontières s'inquiète de ces mesures qui n'ont pour d'autre effet que d'imposer une certaine censure aux organes de presse philippins. « Nous sommes conscients de la nécessité de lutter contre les organisations terroristes, mais nous dénonçons le fait que les médias puissent être exposés à des sanctions alors qu'ils ne font que leur travail d'information », a écrit Reporters sans frontières à la présidente Gloria Arroyo.
Selon les explications du porte-parole de la présidence, Ignacio Bunye, cité par l'Agence France-Presse, cette disposition serait appliquée "au cas par cas, en fonction du contenu de l'interview". Ce dernier n'a pas précisé les sanctions encourues, mais les médias concernés pourraient se voir retirer leur licence de diffusion.
Ignacio Bunye a par ailleurs rappelé qu'une loi interdisant la diffusion de propos appelant au "renversement du gouvernement" était déjà en vigueur aux Philippines.
Cette mise en garde intervient au moment où le gouvernement intensifie sa lutte contre les groupes armés et terroristes, notamment Abou Sayyaf accusé par les autorités philippines et américaines d'être lié à la nébuleuse Al-Qaida, ou la Nouvelle armée du peuple (communiste). Sur l'île de Mindanao (Sud), on compte également les mouvements séparatistes Front moro islamique de libération (FMIL) et Front moro de libération nationale (FMLN).
L'appellation "groupe terroriste" demeure cependant très floue. Dans ces conditions, Reporters sans frontières estime qu'il revient aux médias eux-mêmes, et à aucune autre institution, de décider à quels interlocuteurs ils peuvent donner ou non la parole.
Le mois dernier, Abu Solaiman, porte-parole du groupe islamiste Abou Sayyaf, avait revendiqué sur une radio les attentats du 14 février qui avaient tué 12 personnes et blessé une centaine d'autres à Manille et dans deux villes du Sud. « Permettre à Abou Solaiman de revendiquer les explosions de la Saint-Valentin n'était pas un crime. Ce sont les attentats eux-mêmes qui sont un crime. Au contraire, cette revendication à l'antenne a permis aux auditeurs d'être mieux informés sur l'événement », a déclaré dans un communiqué l'Union nationale des journalistes philippins (NUJP). Cette organisation a condamné cette nouvelle disposition, la qualifiant de "restriction à la liberté de la presse", et fait observer que les journalistes seraient désormais, de fait, tenus à l'écart des zones de conflit.
Publié le
Updated on
20.01.2016