Les chiffres de trois mois de répression contre la liberté de la presse au Bélarus

Reporters sans frontières (RSF) dévoile les chiffres de la répression d’une ampleur sans précédent qui s’est abattue sur les journalistes et la liberté de la presse au Bélarus depuis l’élection présidentielle du 9 août. Pour empêcher la couverture des mouvements de protestation qui se poursuivent dans le pays, des centaines de journalistes ont été raflés, harcelés, voire torturés.

658 

Ce chiffre compilé par RSF correspond au nombre de jours de prison cumulés par les journalistes ces trois derniers mois et révèle l’ampleur de la répression qui s’est mise en place au Bélarus depuis le début des manifestations pacifiques réclamant le départ du président Alexandre Loukachenko, après l’élection entachée de fraudes du 9 août 2020. 


335

C’est le nombre d’interpellations recensées en trois mois par l’Association biélorusse des journalistes (BAJ), partenaire de RSF, sur un total de plus de 400 exactions commises par les forces de l’ordre. 


16 

Seize journalistes se trouvent toujours en détention à ce jour. Lors de la seule journée d’hier, qui a été marquée par un nombre record d’arrestations de manifestants dans le pays,  huit journalistes ont été arrêtés. Parmi eux, le correspondant du journal suisse Wochenzeitung également reporter pour l’agence de presse BelaPAN,  Ian Avseyouchkine, qui est actuellement détenu à Minsk. 


De 3 jours à 3 ans

Jusqu’à présent, la plupart des journalistes condamnés ont écopé de peines de prison allant de 3 à 15 jours. Mais les condamnations tendent à s’alourdir. Trois reporters de la chaîne biélorusse en exil Belsat, Zmitser Soltan (Bouyanau), Zmitser Krauchouk et Artsiom Bahaslauski, risquent trois ans de prison. Arrêtés alors qu’ils couvraient un rassemblement le 1er novembre dernier, ils sont désormais poursuivis pour “organisation et préparation d'activités qui violent de manière flagrante l'ordre public”.


60

Pendant cette même période, au moins 60 journalistes ont été victimes de violences graves, de mauvais traitements, voire de torture, de la part des forces de l’ordre. La journaliste de la chaîne en exil Belsat TV Alena Doubovik (Scharbinskaya) a notamment été frappée, à moitié nue, à coups de matraque lors de sa détention en août. Également privée de nourriture pendant 24 heures, elle était incarcérée avec une cinquantaine d’autres détenues dans une cellule de 12 m2, prévue pour 4.


Au moins 3 blessés par des tirs

Sur les dizaines de journalistes blessés par les violences policières pendant les manifestations, au moins 2 l’ont été grièvement par des tirs de balles en caoutchouc et une par un projectile inconnu. La journaliste du site d’information Nacha Niva Natalia Lubneuskaya a notamment dû être hospitalisée pendant 38 jours après avoir été visée par un policier qui se trouvait à 10 mètres d’elle. La reporter néerlandaise Emilie van Outeren, envoyée spéciale du quotidien NRC et la photojournaliste Iryna Arahouskaya de Belsat ont également été blessées par des tirs.


29 octobre 2020

Depuis cette date, le pays a fermé ses frontières terrestres avec l’Union européenne aux citoyens - et donc aux journalistes - étrangers, officiellement pour prévenir la propagation du Covid-19, selon le Comité national des garde-frontières. Cette règle ne s’applique pas à la frontière russe.


Plus de 70 accréditations annulées

Tous les journalistes travaillant pour des médias étrangers ont perdu leur accréditation le 2 octobre sous couvert de la mise en place d’une nouvelle procédure “plus libérale”. Le 7 octobre, le ministère des Affaires étrangères annonçait avoir déjà reçu plus de 70 candidatures de 15 médias étrangers. Nombreux sont les correspondants biélorusses qui attendent encore leur réaccréditation pour pouvoir travailler légalement, malgré l’expiration du délai d’examen. Le 29 août, le ministère avait déjà révoqué les accréditations d’au moins 17 journalistes, dont celle du correspondant de RSF.

 

1 saisine (de 3 rapporteurs spéciaux)

RSF a saisi les Nations unies pour demander la condamnation de cette répression violente et sans précédent des journalistes et de la censure de l’information. 


1 rapport (et 700 contributions) 

Un rapport de 58 pages publié le 5 novembre par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) documente cette répression. Après avoir analysé 700 contributions dont celle de RSF, le rapporteur indépendant Wolfgang Benedek conclut entre autres à des violations massives des droits des journalistes et des médias et de l’accès à l’information. 


1 résolution 

L’ampleur de la répression a conduit le parlement allemand a adopté le 4 novembre 2020 une résolution appelant le gouvernement fédéral à soutenir les journalistes affectés par la répression au Bélarus, ainsi qu’à apporter un soutien financier aux médias indépendants dans le pays et en exil.


Malgré ces trois mois de répression, alors que la propagande des médias d’Etat s’accentue et que le discours des autorités se durcit encore, des journalistes poursuivent leur mission d’information, à l’image du franco-bélarusse Andreï Vaitovich qui a témoigné de ses conditions de travail dans une vidéo pour RSF. 


Dirigé par Alexandre Loukachenko depuis 1994, qui organise sa réélection tous les cinq ans dès le premier tour, le Bélarus occupe la 153e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 de RSF.

Publié le
Updated on 09.11.2020