Les autorités prêtes à la torture pour prohiber l'information
Organisation :
Reporters sans frontières est scandalisée par la politique de terreur menée par les autorités chinoises dans la préfecture autonome tibétaine de Gan Lho (甘南藏族自治州), au Gansu (Nord-ouest). Le 27 mars 2012, Reporters sans frontières a appris par l'intermédiaire du Tibet Post International, site d'information tibétain basé à Dharamsala, publiant sous l'égide du Himalayan Literacy Trust, organisation partenaire de Reporters sans frontières, que des affiches de police menaçant de punir par la torture
(རྡུང་རྡེག) les "criminels" qui se livreraient à un certain nombre d'activités listées par les autorités, étaient placardées dans les lieux publics de la préfecture.
"Ces menaces de torture ont pour but d'instiguer la terreur chez tous ceux qui souhaitent dénoncer, par l'information, la politique de répression menée par les autorités. En placardant des avertissements de représailles physiques, le bureau de la sécurité publique est en violation directe de l'article 2 de la 'Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants', signée par Pékin, qui stipule qu'une autorité publique ne peut être invoquée pour justifier la torture'", a déclaré Reporters sans frontières.
"Nous appelons le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Juan E. Mendez, à ouvrir une enquête sur la base du document rendu publique par les autorités chinoises elles-mêmes, et à condamner le recours à de telles menaces. La police doit immédiatement retirer ces affiches des rues et cesser de légitimer le recours éventuel à la torture et au mauvais traitement physique pour des actes criminels, délibérément exprimés en termes flous, libres à de larges interprétations", a ajouté l'organisation.
La directive, qui aurait été affichée dans au moins sept des huit comtés que compte la préfecture, demande à la population de dénoncer les "criminels" qui "menacent la stabilité sociale de Gan Lho". La préfecture de Gan Lho se situe dans la région de l'Amdo, qui s'étend notamment dans la province du Gansu, au nord du Tibet.
Les autorités ont dressé la liste des "activités criminelles" interdites, employant le vocabulaire officiel de la propagande pour les définir: "la corruption du public avec des idées de scission de la nation", "l'incitation à une activité illégale", "l'atteinte à la sécurité nationale", "la déstabilisation de la société", "le trouble entre les
relations ethniques", "la promotion d'organisations illégales", "seront répondues par un violent passage à tabac / par la torture, par le Bureau de la Sécurité Publique (PSB)", indique l'affiche.
Dans les cinq articles qui constituent la liste des activités illégales, sont également précisés les moyens de communication et d'information prohibés pour un usage "criminel": "la parole et la distribution d'information écrite" "les dessins", "les documents manufacturés", "les vidéos", "les sites Internet", "les e-mails et les fichiers audio" et les "SMS". Enfin une récompense de 5000 Yuan, protection et anonymat sont promis à toute personne qui dénoncerait de tels actes.
Traduction de l'affiche:
Avis: Le Bureau de la sécurité publique (PSB) de Gan Lho doit être informé des criminels qui menacent la stabilité sociale de Gan Lho.
Protégez la stabilité sociale et politique de la préfecture autonome tibétaine de Gan Lho et établissez rapidement un Gan Lho harmonieux! Mettez en place un meilleur environnement économique pour l'investissement! Soyez vigilants et sévissez contre les criminels qui menacent la stabilité sociale de Gan Lho!
Informez directement (les autorités) des repaires de criminels!
Les directives suivantes ont été autorisées par le département de la sécurité:
I) Les dommages à la sécurité nationale, la déstabilisation de la société, la destruction de l'unité ethnique.
Toutes les actions suivantes seront réprimées par un violent passage à tabac / (par la) torture par le PSB:
1) Le trouble des relations entre groupes ethniques, le trouble à l'ordre public, la destruction de l'unité nationale.
2) La corruption du public avec des idées de scission de la nation, à travers la parole et la distribution d'information écrite, de dessins, de matériaux manufacturés, de vidéos, etc; tous les actes de destruction de la discipline et de la stabilité sociale.
3) L'appartenance, la promotion, ou le don à des organisations illégales qui nuisent à la sécurité nationale et déstabilisent la société.
4) L'incitation du public à des activités illégales par le biais de sites Web, d'e-mails et de fichiers audio, tout acte de destruction de l'unité ethnique par le biais de sites Web et des textes SMS, et toute autre action criminelle à l'encontre de la sécurité de la société.
5) L'engagement dans des activités criminelles telles que la blessure corporelle grave, la destruction de biens, l'incendie et le pillage, etc; et la contrainte d'autrui à des actes criminels portant atteinte à la sécurité de la société.
II) Toute personne qui informera la police au sujet des actes criminels susmentionnés ou qui donnera des informations à la police sur leurs auteurs, bénéficiera d'une protection personnelle des membres du PSB, de la confidentialité de son identité et d'une récompense de 5.000 yuan.
III) La présente directive est appliquée avec effet immédiat. 0941 - 669 6271, 6696272
Le 23 février 2012, Reporters sans frontières s'était alarmée du “black out” mis en place par les autorités chinoises, qui empêchent toute couverture médiatique des mouvements de protestation dans les provinces du Sichuan et du Qinghai, ainsi que dans la région autonome du Tibet. Depuis le mois de mars 2011, au moins trente immolations de tibétains, en majorité des moines bouddhistes, ont été recensées par les organisations de défense des droits de l'homme au Tibet.
La Chine a perdu six places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012 établi par Reporters sans frontières et figure désormais à la 174ème place, sur 178 pays.
Publié le
Updated on
20.01.2016