Reporters sans frontières salue les avancées de la nouvelle enquête sur la mort de Brian Peters (photo), l'un des cinq journalistes assassinés à Balibo en octobre 1975. Ces reporters australiens, néo-zélandais et britanniques avaient été tués peu avant l'invasion indonésienne du Timor oriental. Cette enquête représente une chance historique de traduire en justice les auteurs de ces assassinats jusqu'ici protégés.
Reporters sans frontières est indignée par les pressions exercées par le gouvernement fédéral australien afin que trois audiences de l'enquête judiciaire sur la mort du journaliste Brian Peters se tiennent à huis clos.
"Le secret qui entoure maintenant les audiences traduit un malaise au sein du gouvernement face à des accusations de plus en plus sérieuses sur les mensonges d'anciens hauts responsables de l'exécutif et des services secrets", a affirmé l'organisation.
"Qui peut sérieusement croire que le témoignage de fonctionnaires sur des incidents survenus il y a trente ans va mettre en danger les services secrets du pays ? Si le gouvernement de Canberra n'a pas peur de la vérité, il doit laisser la justice faire son travail, en toute transparence", a ajouté l'organisation.
Le 26 février, la juge Dorelle Pinch a accepté d'imposer le huis clos à l'audience du jour après que le gouvernement fédéral a affirmé, notamment sur la base de deux lettres du directeur des services d'écoutes (DSD), que des "capacités de défense vitales" allaient être menacées si le public, et notamment la presse, pouvait en avoir connaissance. De ce fait, les journalistes sont passibles d'une peine de prison s'ils publient une information donnée lors de ces trois audiences.
Cité par le Sydney Morning Herald, un spécialiste international des écoutes, Desmond Ball, a affirmé que le secret imposé à la cour était une "absurdité".
Maître John Stratton, l'avocat de la famille de Brian Peters, a été autorisé à assister à l'audience et aux deux prochaines, mais il est soumis à l'interdiction de révéler le contenu des témoignages. Enfin, Shirley Shackleton, l'épouse de l'un des reporters tués à Balibo, a déclaré à Reporters sans frontières qu'il s'agissait d'une nouvelle tentative du gouvernement de "se blanchir" et de refuser que la vérité soit révélée.
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23.02.2007Les autorités australiennes auraient menti et détruit des preuves sur le crime prémédité de l'armée indonésienne
Les onzième et douzième jours d'audience sur le meurtre des cinq journalistes de Balibo a marqué un tournant important dans la progression de l'enquête. Les témoignages de plusieurs anciens membres des services secrets et de renseignements australiens, notamment George Brownbill et Ian Cunliffe, ont montré que des ministres australiens étaient en possession de rapports qui prouvaient que le quintuple crime avait été prémédité par l'armée indonésienne. Selon ces nouveaux témoignages, les autorités de Canberra auraient menti à l'époque des faits, niant la responsabilité directe de Jakarta dans ces crimes.
Reporters sans frontières salue le travail exceptionnel de la cour de Glebe. "L'enquête ne doit en aucun cas être entravée. Il est aujourd'hui essentiel que les plus hauts responsables des Etats australien et indonésien de l'époque soient appelés à la barre pour répondre des accusations portées contre eux", a affirmé l'organisation.
Audience du 22 février
En mars 1977, George Brownbill et Ian Cunliffe, interdits jusqu'à présent de témoigner dans cette affaire, se sont rendus pour une visite d'inspection au Defence Signal Directorate (DSD, services d'écoutes australiens), à Shoal Bay. Un employé, dont le nom n'a jamais été rendu public, leur a fait lire la retranscription d'une conversation radio entre un officier indonésien et son supérieur, enregistrée après les événements de Balibo. A cette époque, les conversations radio de l'armée indonésienne étaient interceptées par l'Australie depuis la base de Shoal Bay.
Selon George Brownbill et Ian Cunliffe, l'officier indonésien affirmait : "Sur vos instructions, nous avons localisé et tué les cinq journalistes. Nous attendons à présent vos instructions pour savoir ce que nous devons faire des corps, ainsi que des effets personnels des journalistes."
Selon Ian Cunliffe, ce document prouve que ce crime avait été prémédité et que le gouvernement australien de l'époque a menti lorsqu'il a démenti publiquement l'implication de l'armée indonésienne.
Mais cette pièce à conviction ainsi que d'autres dossiers ont mystérieusement disparu en 1984 lors du déménagement des bureaux du service de renseignements intérieurs australiens (ASIO) de Melbourne à Canberra.
Audience du 23 février
Lors du douzième jour d'audience, Gary Lintworth, ancien analyste des services secrets, a accusé l'ancien chef-adjoint de l'Office of Current Intelligence (OCI), John Bennets, d'avoir ordonné la destruction de documents prouvant que l'Australie était au courant, dès le lendemain des événements, du caractère prémédité du quintuple assassinat. Gary Lintworth a expliqué avoir écrit un mémo confirmant, sur la base des interceptions radio, que les journalistes avaient été tués à Balibo. Mais John Bennets a immédiatement ordonné la destruction de cette note. "Je n'avais jamais vu une telle décision. (...) Il fallait préserver à tout prix les bonnes relations avec l'Indonésie", a précisé l'ancien fonctionnaire au juge.
Les témoignages sont accablants pour l'ancien Premier ministre travailliste Gough Whitlam et deux anciens ministres qui auraient été informés de l'implication indonésienne dans ces assassinats. A l'époque, le gouvernement avait nié avoir cette hypothèse et ne s'était pas opposé à l'invasion indonésienne du Timor oriental. "J'ai participé à la préparation de trois rapports sur la mort des journalistes et ils ont été transmis aux cabinets du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères et de la Défense. (...) Il s'agissait d'informations très sensibles, et je présume qu'elles leur ont été transmises", a précisé Rowen Osborn, ancien responsable de l'OCI.
"Les Cinq de Balibo" étaient un groupe de journalistes travaillant pour deux chaînes de télévision australiennes, en reportage dans la ville frontalière de Balibo, au Timor oriental. Ils ont été tués le 16 octobre 1975 par des paramilitaires timorais et des soldats indonésiens qui préparaient l'invasion du pays. Le groupe comptait le reporter australien Greg Shackelton, l'ingénieur du son australien Tony Stewart, le cameraman néo-zélandais Gary Cunningham, le cameraman britannique BrianPeters et le reporter britannique Malcolm Rennie.
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21.02.2007C'est un chef de la milice UDT qui a commandité l'assassinat des "cinq de Balibo", selon une journaliste australienne
Au neuvième jour de l'enquête, le témoin "Glebe 8" , qui refuse d'être identifié, a déclaré ne pas avoir été témoin du meurtre des journalistes à Balibo, bien que trois précédents témoins aient affirmé l'avoir vu sur les lieux du crime. Alors qu'il avait fourni un témoignage détaillé des meurtres en se confiant à un journaliste européen en 1979, il a renié toutes ses déclarations lors de l'enquête Sherman, menée à l'initiative du gouvernement australien en 1990. Il affirme à présent qu'il se trouvait à Nonura (10 km de Balibo) le jour de l'homicide et n'être arrivé à Balibo que le 17 octobre 1975.
Les questionnements insistants du magistrat ont mené "Glebe 8" à rappeler que suite à ses déclarations en 1979, son frère avait été enlevé, torturé et détenu pendant deux ans dans une prison indonésienne. Il avait ensuite disparu. Le témoin sait aujourd'hui que son corps a été soit enterré quelque part, soit jeté depuis un hélicoptère dans la mer. "Glebe 8", dont certains proches vivent au Timor, a ajouté que le gouvernement indonésien avait toujours de l'influence au Timor oriental et qu'il aurait peur pour ses proches.
Lors du dixième jour de l'enquête, Jill Jolliffee, journaliste free-lance australienne, à l'époque de l'invasion du Timor oriental, a identifié l'un des chefs de l'Union démocratique timoraise (UDT), Lopez da Cruz, comme étant l'un des commanditaires de l'assassinat. Selon la journaliste, le 25 octobre 1975, ce dernier a déclaré sur une radio indonésienne qu'il était nécessaire de combattre les forces communistes (Fretilin) ainsi que tous ses représentants. "Nous avons tué les journalistes communistes à Balibo et nous souhaitons que cela serve d'exemple à toute la communauté de reporters. Les journalistes faisaient partie du Fretilin et méritaient de mourir", avait-t-il déclaré, selon la journaliste.
Jill Jolliffee a insisté, à plusieurs reprises, sur le fait que les conditions de travail des journalistes dans les années soixante-dix étaient très différentes de celles des journalistes d'aujourd'hui. "A cette époque, dit-elle, nous étions livrés à nous-mêmes. Nous ne recevions aucune instruction préalable en matière de sécurité de la part de nos employeurs. Il valait mieux travailler du côté de l'un ou de l'autre des partis en conflit."
La journaliste a également confirmé les déclarations faites lors des audiences précédentes durant lesquelles divers témoins ont identifié "Major Andreas" (Yunus Yosfiah) et "Team Susi" comme faisant partie des commanditaires de l'assassinat.
Cette dixième journée a également été l'occasion de présenter à la Cour une déclaration du fondateur du parti KOTA, feu Jose Celestino Martins, datant de 1976, dans laquelle il affirmait être présent aux côtés de Dading, Andreas et Taolin le matin de l'assassinat des journalistes et avoir vu les corps des journalistes être brûlés. Deux ans après l'invasion du Timor oriental, Martins avait été rapatrié depuis l'Europe par Taolin. Jose Celestino Martins est décédé le soir de son arrivée, dans sa chambre d'hôtel.
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15.02.2007
Enquête sur la mort des cinq journalistes de Balibo : un crime prémédité
Le huitième jour de l'enquête publique sur la disparition de BrianPeters et de ses confrères a confirmé que le crime avait été orchestré et prémédité par des éléments de l'armée indonésienne. Les déclarations de Fernando Mariz, ancien garde du corps du colonel Dading Kabualdi, ainsi que le témoignage de "M4" renforcent la thèse de l'assassinat.
Fernando Mariz, qui n'a pas hésité à révéler son nom lors de l'audience, affirme avoir informé, la veille de l'attaque, son supérieur, le "Major Leo" (Sofyan Effendi), que les cinq journalistes se trouvaient à Balibo. Il avait obtenu l'information en écoutant Maubere Radio, animée par des membres du Fretilin. L'officier lui a répondu que les Indonésiens avaient préparé de "bons traitements" pour ces journalistes. Selon lui, il sous-entendait qu'ils allaient les exécuter.
Toujours d'après le témoin, il est évident que les forces indonésiennes avaient conscience du danger que représentait la couverture médiatique de cet événement et le colonel Dading Kabualdi ne semblait pas hésiter à les éliminer.
Fernando Mariz a également indiqué que Dading Kabualdi était en contact régulier avec l'état-major pour le tenir informé de ce qui se passait sur le théâtre des opérations. Deux techniciens portugais pro-indonésiens étaient secrètement chargés d'écouter les communications des forces du Fretilin, y compris celles qui auraient pu mentionner la présence des journalistes. Le 16 octobre 1975, Fernando Mariz faisait partie d'un convoi allant de Batugarde à Maliana, en passant par Balibo. C'est là que des membres de la milice Union démocratique timoraise (UDT) l'ont informé que les journalistes avaient été tués.
Les déclarations d'un autre témoin, "M4", confirment également le fait que tout combat avait cessé avant dix heures du matin et que les journalistes, une fois morts, avaient été revêtus d'uniformes de l'armée portugaise et photographiés avec des armes auprès d'eux. L'armée indonésienne n'a jamais diffusé ces photos. Mais, dans un reportage de la télévision indonésienne, quelques heures seulement après l'invasion de Balibo, de la fumée était visible sortant de la "maison chinoise". "M4" a répété que les corps avaient par la suite été brûlés dans cette "maison chinoise" et que les soldats s'étaient efforcés d'éliminer la moindre preuve. Selon "M4", le commandant Jao Tavares a également été vu, quelques semaines plus tard, muni d'un des appareils photo des reporters.
La veille, le témoin "G7" avait donné des détails supplémentaires sur les moyens employés pour faire disparaître les cadavres. Un officier avait ordonné à des soldats de collecter du bois, puis, à l'aide de kérosène, les corps des reporters avaient été réduits en cendres.
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13.02.2007Selon des témoins de la mort des cinq journalistes de Balibo, les forces indonésiennes ont maquillé le meurtre
Au cours des audiences des 9 et 12 février, des témoins ont apporté de nouveaux détails sur les circonstances de la mort de Brian Peters et des quatre autres reporters tués en 1975 au Timor.
Le 9 février, un ancien combattant du Fretilin, âgé de 16 ans au moment des faits, a confirmé qu'il n'y avait plus de combats quand l'armée indonésienne est entrée dans Balibo. Après moins d'une heure d'échanges de feu, les Timorais avaient battu en retraite. Avant de quitter sa position, il a pu voir deux reporters, dont Brian Peters, aller vers eux pour prendre des images de l'offensive, et notamment du bateau de guerre qui avait bombardé la localité. En venant témoigner, l'ancien rebelle dit faire son devoir pour les "martyrs" du Timor, morts sur le sol de son pays. Un autre combattant du Fretilin a confirmé ce déroulement de l'offensive indonésienne.
Le 12 février, le colonel Subico, ancien officier des Fretilin, a confirmé que les journalistes n'avaient jamais participé à des opérations armées, ni utilisé le poste radio de la guérilla. Il a expliqué avoir demandé aux reporters, tôt dans la matinée, de quitter le village devant l'avancée des troupes indonésiennes. Ils auraient refusé car ils attendaient le retour de deux d'entre eux, notamment Brian Peters, qui s'étaient dirigés vers un fort pour tourner des images de l'attaque indonésienne. A 7 heures 30, il n'y avait plus aucun membre du Fretilin dans le centre de la localité. Après avoir rappelé que les images prises par les reporters auraient montré au monde que l'Indonésie envahissait le Timor, l'ancien officier rebelle a nié qu'ils aient pu être tué lors d'un échange de tirs.
Le même jour, le témoin "P 1", ancien aide de camp du colonel indonésien Dading Kalbuadi, a expliqué qu'il était présent à Balibo, le jour du quintuple meurtre, de 16 heures à 19 heures. Il affirme avoir vu les corps dans une maison. Selon lui, on leur avait passé des uniformes de l'armée portugaise et des mitraillettes hors d'usage avaient été disposées prés d'eux. L'ancien militaire indonésien assure avoir vu, au cours de la semaine suivante, un soldat indonésien avec un appareil de photographie d'une marque occidentale, et un autre avec une montre occidentale. Selon lui, de nombreux soldats se sont par la suite vantés d'avoir tué l'un des reporters, espérant ainsi de l'avancement.
Enfin, le témoin "G7", agent du Fretilin infiltré dans l'armée indonésienne, a expliqué que trois jours après les faits, il a été envoyé avec d'autres soldats et miliciens "nettoyer" la maison où ont été tués les reporters. Un officier leur a ordonné de brûler une seconde fois les corps et de faire disparaître les restes. Le témoin a éclaté en sanglot après avoir donné les détails de ce travail macabre.
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08.02.2007De nouveaux témoignages confirment que les "Cinq journalistes de Balibo" ont été assassinés
Lors d'une nouvelle journée d'audience, trois anciens miliciens timorais engagés aux côtés des forces spéciales indonésiennes ont confirmé la présence du capitaine Yunus Yosfiah lors de l'attaque de Balibo. Le témoin "Glebe 3", ancien auxiliaire de l'armée indonésienne, a affirmé avoir vu le journaliste Brian Peters les mains en l'air, criant "Australien", puis s'écrouler au sol. Visiblement très ému, l'ancien milicien a pleuré lorsque l'assistante de l'officier de police judiciaire lui a posé des questions.
Le témoin "Glebe 4", également engagé aux côtés de l'armée indonésienne, a répondu à des questions très précises sur les forces armées impliquées dans l'attaque de Balibo. Il s'agissait de 500 combattants - 120 miliciens timorais et près de 400 soldats des forces spéciales indonésiennes Kopassus - appuyés par l'artillerie et la marine. Après deux jours de bombardement, tous les civils avaient fui la localité. Selon lui, seuls cinq combattants du Fretilin (indépendantiste) défendaient la ville. Face à la progression des troupes indonésiennes, ces partisans se sont retirés. L'armée indonésienne est donc entrée sans combattre dans Balibo où les cinq journalistes étaient restés. Afin d'être identifiés, ils avaient peint sur la façade d'une maison un drapeau australien. Cette information a été confirmée par un film pris quelques jours avant l'attaque par des journalistes portugais, où l'on voit les reporters peindre ce mur.
Ensuite, l'un des cinq combattants du Fretilin, "Glebe 7", a expliqué pendant l'audience qu'il avait vu depuis sa cachette, en lisière de Balibo, un officier tirer sur Brian Peters. Il a également entendu ses compagnons crier "Journalistes" avant que des coups de feu ne retentissent. Enfin, "Glebe 5", un Timorais engagé aux côtés des Kopassus, a confirmé avoir vu, deux heures après les faits, dans une maison de Balibo, les corps sans vie des cinq journalistes.
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07.02.2007L'ancien ministre indonésien Yunus Yosfiah accusé d'avoir tiré sur le journaliste Brian Peters
Le deuxième jour de l'enquête judiciaire sur la disparition de Brian Peters, l'un des cinq journalistes tués à Balibo en 1975, marque un tournant important dans la progression de la vérité sur ce quintuple assassinat.
Un témoin timorais, surnommé "Glebe 2" pour protéger son identité, accuse l'ancien officier et ex-ministre indonésien de l'Information, Yunus Yosfiah, d'avoir ouvert le feu sur Brian Peters alors que ce dernier n'était pas armé. Le reporter britannique aurait imploré la pitié de l'officier, les mains en l'air.
Les soldats indonésiens, aidés de paramilitaires timorais, auraient ensuite abattu les autres journalistes. Le témoin, ancien milicien pro indonésien, dit avoir vu le capitaine Yunus Yosfiah de profil à une cinquantaine de mètres, abattre à bout portant Brian Peters, sans même avoir engagé un dialogue avec lui. "Je pense que Yunus a tué Brian Peters", a affirmé le timorais au juge. Un deuxième témoin, "Glebe 4", affirme, de son côté, avoir vu trois blancs se faire abattre par deux soldats indonésiens à l'intérieur d'un magasin chinois à Balibo.
Avant d'accepter de témoigner devant cette cour australienne, "Glebe 2" défendait la version indonésienne de cet événement. Les autorités de Jakarta se seraient servies de son nom et de son témoignage pour affirmer que les reporters se trouvaient dans une maison depuis laquelle des membres du Front révolutionnaire pour l'indépendance du Timor Oriental (Fretilin, indépendantistes) tiraient sur eux. Un tir de mortier aurait mis le feu à la maison, calcinant les corps des journalistes. En 1999, ce témoin clé a décidé de se confier à un journaliste australien et de démentir la version de Jakarta.
Aujourd'hui, "Glebe 2" affirme qu'en réalité, le colonel Dading Kalbuadi, dirigeant l'invasion du Timor oriental, se serait déplacé par hélicoptère sur les lieux de l'incident afin de s'assurer que les corps des reporters avaient été brûlés dans une autre maison. Tous leurs documents et équipements auraient également été détruits par les soldats.
Ainsi, lorsqu'une équipe d'enquêteurs mise en place par le gouvernement australien s'était rendue sur place, un an après le drame, "Glebe 2" leur avait décrit cette version officielle des faits. Le colonel indonésien Ed Sinaga se serait fait passer pour un employé de "Glebe 2" afin de s'assurer de son silence.
Interrogé par un journaliste de la radio-télévision australienne ABC, Yunus Yosfiah, qui a refusé de se déplacer pour témoigner devant la cour, dément ces accusations de meurtre et répète n'avoir jamais vu ces hommes. En revanche, il n'a pas nié avoir mené l'attaque du 16 octobre 1975 à Balibo. L'ancien ministre a enfin accusé de mensonges le témoin "Glebe 2".
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05.02.2007Reporters sans frontières salue la réouverture d'une enquête dans l'affaire des "Cinq de Balibo"
Reporters sans frontières se félicite de la réouverture de l'enquête sur le meurtre de Brian Peters, l'un des cinq journalistes australiens, néo-zélandais et britanniques tués en octobre 1975 au Timor oriental par des paramilitaires et militaires indonésiens.
"Trente ans après les faits, cette nouvelle enquête est une chance historique de faire la lumière sur la mort des cinq reporters, témoins clés de l'invasion du Timor oriental par l'armée indonésienne. L'occupation puis la libération de cette ancienne colonie portugaise ont été marquées par de graves violations des droits de l'homme, et notamment la mort de journalistes. Il est temps que l'armée indonésienne accepte de fournir des informations sur les coupables présumés, même s'ils sont issus de ses rangs. Nous appelons donc les gouvernements concernés, notamment indonésien et australien, à collaborer à ce procès afin que les familles puissent enfin obtenir justice", a affirmé l'organisation.
Le 5 février 2007, le président de la Cour spéciale de Glebe (Nouvelles-Galles du Sud) a ouvert une nouvelle procédure sur la disparition, le 16 octobre 1975, au Timor oriental, de Brian Peters, journaliste de la télévision australienne privée TCN-9. Citoyen britannique, le reporter, âgé de 26 ans, était résident dans la province de Nouvelles-Galles du Sud.
La présentation faite aujourd'hui par la Cour souligne les échecs des différentes procédures judiciaires entamées depuis 1975. "Cette enquête de la Cour spéciale est la première en Australie à se faire de manière ouverte, publique et complètement indépendante", a précisé l'assistant du juge. Elle cite pourtant des résultats de la Commission de vérité et réconciliation pour le Timor oriental qui avait conclu que les journalistes n'avaient pas été tués par des tirs croisés, mais assassinés. La Cour entendra notamment des témoins australiens et timorais, mais a déploré le refus de tous les officiels et militaires indonésiens de venir déposer.
Le procès, qui devrait durer trois semaines, devrait notamment établir si les autorités australiennes, et notamment l'ancien Premier ministre travailliste Gough Whitlan, aujourd'hui âgé de 92 ans, étaient au courant de l'ordre donné d'éliminer les journalistes après avoir intercepté des communications de l'armée indonésienne.
Shirley Shackleton, veuve du journaliste Greg Shackleton, journaliste de HSV-7, a déclaré à Reporters sans frontières : "Tout ce que nous apprendrons sur Brian nous aidera à faire la lumière sur les quatre autres. (...) Cela fait quatre ans que les familles ont demandé à la Cour spéciale de s'occuper de cette affaire. L'arrivée d'un nouveau juge a permis que l'enquête avance."
"Les Cinq de Balibo" étaient un groupe de journalistes travaillant pour deux chaînes de télévision australiennes, en reportage dans la ville frontalière de Balibo, le 16 octobre 1975. Ils ont été tués par des paramilitaires timorais et des soldats indonésiens qui préparaient l'invasion totale du pays le 7 décembre 1975. Le groupe comptait une équipe de la chaîne HSV-7 de Melbourne - le reporter australien Greg Shackelton, l'ingénieur du son australien Tony Stewart et le cameraman néo-zélandais Gary Cunningham - , et une équipe de la chaîne TCN-9 de Sidney - le cameraman britannique Brian Peters et le reporter britannique Malcolm Rennie. Un sixième journaliste, l'australien Roger East, a été tué plus tard, le 8 décembre 1975.
Plusieurs tentatives d'enquêtes sur ces meurtres ont échoué : le gouvernement australien, notamment à travers son ambassade à Jakarta, a ainsi tenté à quatre reprises (1975, 1976, 1996 et 1999) d'obtenir des éclaircissements.
En 2000, des officiers des Nations unies au Timor Leste (UNTAET) avaient formé un organisme (Historical Crime Unit) qui avait notamment mené une enquête sur ces disparitions. Le 3 février 2001, les Nations unies avaient émis des mandats d'arrêt internationaux contre trois Indonésiens dont un ancien ministre, Yunus Yosfiah, pour le meurtre des "Cinq de Balibo". Mais cette démarche n'avait jamais abouti. En 2001, Sergio Vieira de Mello, chef de l'UNTAET, avait demandé au ministre indonésien de l'Intérieur le droit de questionner neuf suspects dans cette affaire. Cette demande lui avait également été refusée.
L'échec des précédentes enquêtes s'explique avant tout par le refus des autorités de Jakarta de donner des informations sur le sort des corps des journalistes qui auraient été enterrés ou incinérés sans autopsie dans la capitale indonésienne, et l'impossibilité d'entendre les acteurs clés de ce drame qui tentent d'échapper ainsi à la justice internationale et australienne.
En mai 2007, Reporters sans frontières et la mairie de Bayeux (France) inaugureront le Mémorial des journalistes tués depuis 1945. Les noms de Brian Peters, Malcolm Rennie, Greg Shackleton, Gary Cunningham, Tony Stewart et Roger East seront inscrits sur des stèles en marbre.