Reporters sans frontières condamne la décision du Quotidien de la jeunesse de Chine de suspendre, le 25 janvier 2006, son supplément Bing Dian. Aucune explication n'a été fournie à son rédacteur en chef, Li Datong (photo). Cette mesure constitue une nouvelle attaque des autorités chinoises contre les journalistes libéraux.
Reporters sans frontières est consternée d'apprendre les raisons invoquées par le Département de la publicité (ex-Département de la propagande) pour justifier la suspension du supplément libéral du Quotidien de la jeunesse de Chine. Selon son rédacteur en chef, Li Datong, les autorités ont pointé du doigt un article publié le 18 janvier, intitulé « La modernisation et les manuels d'histoire », qui donnerait un point de vue « dangereux » sur l'occupation étrangère de la Chine à la fin du XIXe siècle. Le journal s'est vu accusé d'avoir blessé les sentiments de la nation chinoise en embellissant cette invasion. Depuis le 26 janvier, l'article n'est plus disponible sur le site web de la publication. Le message « Nous sommes désolés. Cette page n'existe pas » s'affiche quand on clique sur le titre.
Afin d'éviter tout mouvement de contestation, le Département de la publicité a adressé aux grands médias chinois une note leur interdisant de mentionner la suspension de Bing Dian. La direction du Quotidien de la jeunesse de Chine a par ailleurs interdit à Li Datong l'accès au forum Intranet du journal. Son blog a également été bloqué. Le rédacteur en chef a indiqué qu'il comptait faire appel devant la commission de contrôle disciplinaire du Parti communiste chinois.
Dans un email adressé à des collègues, Li Datong a exprimé de manière métaphorique la tristesse que provoque la fin de Bing Dian :
« J'ai un voisin âgé de plus de 70 ans. Il est professeur retraité de l'Académie des sciences sociales. Il s'est abonné au Quotidien de la jeunesse de Chine. Ayant appris la nouvelle de la suspension de Bing Dian, il est déçu, et il est allé à la poste pour demander la résiliation de son abonnement. L'employé de la poste lui en a demandé la raison et lui a dit qu'il faut deux yuans pour les frais de résiliation.
Le vieux professeur a dit qu'il voulait seulement s'abonner à Bing Dian, mais que ce n'était pas possible. Et qu'il était donc obligé de s'abonner au Quotidien de la jeunesse de Chine. Maintenant qu'il n'y a plus Bing Dian, ça ne sert à rien d'acheter ce journal.
L'employé de la poste lui a demandé : " Qu'est-ce qu'il y a d'intéressant dans Bing Dian?" Le vieux professeur lui a répondu : " Bing Dian dit quelques mots de vérité, c'est tout." L'employé de la poste lui a dit : " S'il en est ainsi, je vous fais la résiliation et vous n'avez pas besoin de payer les frais." »
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25.01.2006Nouvelle attaque contre la presse libérale : le supplément phare du Zhongguo Qingnian Bao suspendu
Reporters sans frontières dénonce la décision de la direction du quotidien Zhongguo Qingnian Bao (Le Quotidien de la jeunesse de Chine) de suspendre, à partir du 25 janvier 2006, le supplément hebdomadaire Bing Dian (Point de glaciation), qui paraissait tous les mercredis. Cette décision intervient à la suite de deux années de tensions entre le rédacteur en chef de ce supplément, Li Datong, et la Ligue de la jeunesse communiste à laquelle appartient le quotidien.
« Après les affaires du Xin Jing Bao et du Nanfang Dushi Bao, survenues en moins d'un mois, la fermeture de ce supplément confirme la volonté des responsables de la propagande du Parti communiste de réduire à néant les espaces d'expression des journalistes libéraux. Nous sommes très inquiets de savoir où va mener cette vague de répression, qui prend une ampleur particulière à l'approche des fêtes de printemps », a déclaré Reporters sans frontières. L'organisation demande à la direction du Zhongguo Qingnian Bao de faire reparaître le supplément dirigé par Li Datong.
Le 24 janvier, Li Datong a été convoqué par des responsables de la Ligue de la jeunesse communiste. Il a été informé de la fermeture du supplément qu'il dirige. Les raisons de cette décision ne lui ont pas été communiquées, et le sort des treize journalistes qui forment son équipe n'a pas été évoqué. Le 25 janvier, le supplément était introuvable en kiosque et le site Intranet du journal ne fournissait pas d'informations sur cette affaire. Par ailleurs, Reporters sans frontières a pu confirmer que le forum de discussion du journal (www.cyol.net) était bloqué. Un message précisait qu'il s'agissait d'un problème technique.
Li Datong, journaliste très connu, a déclaré à l'agence Associated Press être « très en colère ». « Je ne peux pas vous communiquer tous les détails de cette affaire. (...).Bing Dian ne paraîtra plus pour le moment, nous ne pouvons rien y faire », a déclaré le rédacteur en chef à Radio Free Asia, insistant sur le fait qu'il serait « dangereux » d'en dire plus.
Cela fait deux ans que le journaliste est en désaccord avec la Ligue de la jeunesse communiste. Selon l'un de ses anciens collègues, Li Datong a tout fait pour promouvoir le journalisme d'investigation et la dénonciation des problèmes sociaux. En octobre 2005, le texte d'une femme politique taïwanaise, intitulé « Peut-être que tu ne connais pas Taïwan », paru dans le supplément, avait suscité de vifs débats en Chine.
De plus, Li Datong s'était fermement opposé à Li Erliang, rédacteur en chef du Zhongguo Qingnian Bao, nommé par la Ligue de la jeunesse communiste, fin 2004.
Li Datong avait notamment publié une lettre ouverte critiquant la décision de la direction d'imposer de nouveaux critères aux journalistes. Cette réforme conditionnait les promotions et les augmentations de salaires des journalistes aux félicitations du Département de la publicité (ex-Département de la propagande). « Bing Dian est dans la ligne de mire du Parti communiste chinois depuis la publication de cette lettre ouverte », a déclaré le dissident Liu Xiaobo à Radio Free Asia.
Créé en 1995, le supplément Bing Dian, diffusé à environ 400 000 exemplaires, était très populaire en Chine.