Le Sénat ne doit pas renoncer à l’abrogation du délit d’offense au président de la République
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Reporters sans frontières appelle les sénateurs à abroger le délit d’« offense au président de la République » dans le cadre de l’examen en plénière d’un projet de loi adaptant le droit pénal français à certaines normes internationales, le 27 mai 2013. L’organisation vient de découvrir avec regret qu’une disposition en ce sens, adoptée par l’Assemblée nationale le 15 mai, a été discrètement supprimée une semaine plus tard en commission des lois du Sénat.
« Le délit d’offense au président de la République est une disposition anachronique et attentatoire à la liberté de l’information, qui n’a pas sa place dans la législation d’un Etat démocratique moderne. Rien ne justifie que le chef de l’Etat bénéficie d’une protection dérogatoire au droit commun sur ce plan. Il a tout loisir de porter plainte pour diffamation ou injure, au même titre que n’importe quel autre citoyen. Encore doit-il le faire en respectant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui rappelle avec constance que les personnalités publiques doivent faire preuve d’une tolérance particulière vis-à-vis de la critique », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
L’article 26 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse dispose que « l’offense au Président de la République (…) est punie d’une amende de 45 000 euros ». Tombé en désuétude depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, il a de nouveau été utilisé sous le mandat de Nicolas Sarkozy. En novembre 2008, un manifestant brandissant un panneau sur lequel était inscrit « Casse toi pauvre con » lors d’une visite du chef de l’Etat à Laval, a été condamné à une amende symbolique.
En mars 2013, dans son arrêt Eon contre France, la CEDH a sanctionné la France pour violation de la liberté d’expression, et rappelé l’importance du droit de libre critique et de satire politique. Dans un arrêt de 2002, la Cour avait jugé que le délit d’offense à chef d’Etat étranger n’était « pas une mesure nécessaire », et souligné que « l’incrimination de diffamation et d’injure, qui est proportionnée au but poursuivi, suffit à tout chef de l’Etat, comme à tout un chacun, pour faire sanctionner des propos portant atteinte à son honneur ou à sa réputation ou s’avérant outrageants ».
Le délit d’offense à chef de l’Etat étranger avait effectivement été supprimé de la législation française deux ans plus tard. Reporters sans frontières estime que le maintien du délit d’offense au président de la République est d’autant plus incompréhensible. L’organisation mène campagne depuis longtemps pour sa suppression des législations de presse du monde entier.
Publié le
Updated on
20.01.2016