Le représentant de RSF en Turquie aux prises avec un procès sans fin
Le procès pour “propagande terroriste” du représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Turquie, Erol Önderoğlu, et de deux autres défenseurs des droits humains, a de nouveau été ajourné pour six mois ce 18 avril 2018. L’organisation demande l’abandon immédiat des poursuites, qui ne visent qu’à intimider la société civile turque.
Six mois de plus sous l’épée de Damoclès. Au terme de dix minutes d’audience, ce 18 avril, le procès du représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoğlu et de la défenseure des droits humains Şebnem Korur Fincancı a été ajourné au 9 octobre. Le tribunal d'Istanbul affirme toujours attendre la déposition de leur co-accusé Ahmet Nesin, en exil. C’est le sixième report depuis l’ouverture du procès en novembre 2016. Les trois personnalités sont accusées de “propagande d’une organisation terroriste”, “apologie d’un crime” et “incitation au crime” pour avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien pro-kurde Özgür Gündem.
“Ce procès n’a que trop duré : il criminalise la solidarité, la liberté de la presse et ne vise qu’à intimider la société civile turque, souligne Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Il est grand temps d’abandonner les accusations absurdes portées contre Erol Önderoğlu et ses collègues. Nous demandons également l’annulation des condamnations déjà prononcées contre d’autres participants à cette campagne.”
Au total, 41 personnalités ont été ou sont poursuivies pour avoir pris part à cette campagne de solidarité. Au nom du pluralisme, elles s’étaient relayées pour prendre la direction d’Özgür Gündem un jour chacun, à titre symbolique. Persécuté par la justice, ce journal a finalement été fermé manu militari en août 2016. Son successeur, Özgürlükçü Demokrasi, a été placé sous tutelle judiciaire en mars 2018. Erol Önderoğlu, représentant de RSF depuis 1996, et ses deux camarades sont les seuls à avoir été arrêtés une dizaine de jours dans le cadre de cette campagne. Ils risquent jusqu’à quatorze ans de prison.
La Turquie occupe la 155e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.