Le reporter indien Rajeev Sharma, spécialiste des questions de défense, emprisonné pour “espionnage”
Arrêté la semaine dernière, Rajeev Sharma est accusé d’avoir reçu de l’argent en échange de documents confidentiels qu’il aurait livrés aux services chinois. Faute d’élément probant fourni par les policiers pour appuyer leur accusation, Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate.
Sa détention a été prolongée de sept jours hier matin, lundi 21 septembre. Le journaliste indépendant Rajeev Sharma a été arrêté le 14 septembre en vertu de la loi sur les secrets d’Etat, pour avoir fait partie d'un "réseau d'espionnage” avec la Chine.
C’est la cellule spéciale de la police de New Delhi qui a révélé cette interpellation durant une conférence de presse tenue samedi. Selon les enquêteurs, Rajeev Sharma aurait obtenu un total de trois millions de roupies (34.400 euros) en échange d’informations confidentielles à destination d'agents travaillant pour les services secrets chinois. Un ressortissant népalais et une ressortissante chinoise ont également été arrêtés en lien ce dossier.
La nature des documents en question n’a cependant pas été révélée, ni aucun élément concret venant étayer la version des policiers. Le Press Club of India, qui réunit une large part des journalistes de la capitale indienne, conteste pour sa part la véracité des accusations portées par la cellule spéciale de la police de Delhi, rappelant que, par le passé, cette structure s’était déjà illustrée à deux reprises pour arrêter des journalistes sur la base d’accusations totalement fabriquées.
Victime collatérale
Spécialiste des questions stratégiques et de défense, Rajeev Sharma est la bête noire des milieux nationalistes de son pays, et fait l’objet d’attaques répétées sur Twitter - lesquelles ont redoublé au lendemain de l’annonce de son arrestation.
“Tant que la police de New Delhi n’aura pas fourni d’élément probant confirmant la soi-disant implication de Rajeev Sharma dans cette obscure affaire d’espionnage, sa détention est considérée arbitraire, prévient Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Il doit donc être immédiatement libéré, sa détention pouvant être interprétée comme une tentative d'intimidation de l'ensemble de la profession, et plus particulièrement les reporters qui enquêtent sur les questions de sécurité nationale. Rajeev Sharma n’a pas à être la victime collatérale de la montée des tensions entre l’Inde et la Chine.”
Journaliste reconnu par ses pairs, Rajeev Sharma anime, entre autres, une chaîne Youtube intitulée “Rajeev Kishkindha”. Il a posté deux vidéos le jour-même de son arrestation.
Dans la première, il met en garde les négociateurs indiens impliqués dans la résolution des litiges aux frontières avec la Chine, contre les “bêtises” que celle-ci pourrait bien encore commettre. Le nationalisme indien et l’hostilité d’une partie de la population envers Pékin sont exacerbées depuis que les armées des deux géants asiatiques se sont affrontées en juin dernier sur les hauteurs de l’Himalaya, causant des pertes humaines de chaque côté, dont vingt soldats indiens.
Dans la seconde vidéo qu’il a postée juste avant son arrestation, Rajeev Sharma dénonce l’asservissement grandissant d’une vaste partie des médias indiens à l’actuel gouvernement.
L’Inde se situe à la 142e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.