Le reporter indien Paranjoy Thakurta risque deux ans de réclusion pour un article publié il y a quatre ans

Le journaliste est visé par un mandat d’arrêt émis suite à une plainte en diffamation criminelle déposée par le groupe industriel Adani. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une instrumentalisation de la justice et exige l’abandon des charges qui pèsent contre lui.

Il doit s’attendre à la visite de la police d’un jour à l’autre. Le reporter Paranjoy Guha Thakurta, réputé pour ses enquêtes, est visé par un mandat d’arrêt émis mardi 19 janvier par un tribunal ordinaire du district de Kutch, dans l’Etat du Gujarat, en Inde de l’ouest.


Le journaliste est visé par une double plainte en diffamation - au civil et au pénal - déposée par le géant industriel Adani, à la suite de deux articles qu’il avait co-signés en janvier et juin 2017 pour l’Economic and Political Weekly (EPW), dont il assurait la rédaction en chef, ainsi que pour le site The Wire.  


Craignant une procédure-bâillon, l’EPW a retiré les deux articles, ce qui a poussé Paranjoy Thakurta à démissionner de son poste. En revanche, The Wire a maintenu les deux articles incriminés, et la justice lui a donné raison en 2018, lorsqu’un tribunal civil a déclaré que l’article n’était en rien diffamatoire - à condition de retirer une phrase et un adverbe. 


Désavoué, le groupe Adani a retiré les plaintes engagées contre les organes de presse et les autres co-auteurs de l'article, à l’exception notable de celle qui visait Paranjoy Thakurta, vraisemblablement dans un esprit d’intimidation. Le mandat d’arrêt dont il est actuellement la cible ne peut faire l’objet d’une libération sous caution. Il risque deux ans de réclusion. 


Acharnement


“Il est proprement inconcevable qu’un journaliste se retrouve derrière les barreaux pour un article publié il y a quatre ans et dont la justice civile en a elle-même attesté la probité, regrette Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Tout porte à croire que le groupe Adani a instrumentalisé le tribunal de Kutch pour harceler Paranjoy Thakurta, à la limite de l’acharnement. Les juges doivent mettre fin à cette chasse aux sorcières en annulant immédiatement le mandat d’arrêt.” 


Paranjoy Thakurta est l’objet d’une autre plainte-bâillon engagée par une filiale du groupe, Adani Power Rajasthan Limited, devant un tribunal de la ville d’Hyderabad, contre le site Newsclick. En cause, une série d'articles co-signés par le journaliste sur des jugements rendus en faveur d’Adani par un ancien juge de la cour suprême indienne. Le tribunal a décrété une ordonnance partielle de non publication, laquelle est actuellement contestée par Newsclick


L’Inde se situe à la 142ème place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

Publié le
Mise à jour le 22.01.2021