Le reporter birman Swe Win visé par balle, l’enquête au point mort
Figure du journalisme birman, Swe Win a été blessé à la jambe en décembre 2019 par une balle qui était manifestement destinée à l’abattre. Reporters sans frontières (RSF) exige une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur cette affaire, rendue publique la semaine dernière, et qui suggère l’implication de fonctionnaires civils et militaires.
Il a échappé in extremis à une mort certaine. Le rédacteur en chef du portail d'information Myanmar Now, Swe Win, a été blessé à la jambe par une balle qui a miraculeusement ricoché sur la serrure du véhicule dans lequel il se trouvait, le 31 décembre 2019. L’information a été gardée secrète pour ne pas gêner l’enquête ni mettre en danger la vie du reporter, jusqu’à ce que Myanmar Now révèle finalement les faits le 26 novembre dernier.
Le journaliste était alors en villégiature dans l’Etat de l’Arakan, dans l’ouest de la Birmanie, en compagnie d’un confrère et de leur famille respective. Le 30 décembre, le propriétaire de la chambre d’hôte dans lequel il résidait a reçu plusieurs coups de téléphone provenant de fonctionnaires du renseignement militaire, de la police et l’administration locale de la ville de Thandwe. Ils cherchaient à obtenir des informations concernant les déplacements de Swe Win, et ont demandé au gérant de les contacter dès que le journaliste partirait.
Et de fait, le lendemain, à peine quarante minute après qu’il eut quitté la maison d’hôte, Swe Win a été visé par un ou plusieurs tireurs cachés derrière un bosquet. Immédiatement après les faits, la police locale a affirmé que l’impact avait été causé par l’éclat d’une charge de dynamite utilisée dans une carrière de pierres environnante.
Dénégations pathétiques
Une version contredite par l’administration locale qui, interrogée par Swe Win trois jours plus tard, a confirmé qu’il n’y avait ni carrière ni travaux dans la zone concernée. De même, le fonctionnaire interrogé a nié avoir eu connaissance de la présence de Swe Win dans la région à cette époque - quand bien même ce sont ses services qui ont intyerrogé le propriétaire de la maison d’hôte. Depuis, l’enquête officielle, menée par la police locale, est au point mort.
“Face aux dénégations pathétiques de la police de Thandwe, nous appelons les autorités centrales de Birmanie à diligenter une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur cette choquante tentative d’assassinat, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. L'implication de fonctionnaires civils et militaires dans ce guet-apens en dit long sur les pratiques de l'administration pour intimider les journalistes. Celles-ci doivent cesser - il en va de la crédibilité de l’Etat de droit en Birmanie.”
Menace
“Nos articles ont mis en colère ou en porte-à-faux de nombreuses personnalités au pouvoir, et c’est la seule raison pour laquelle j’ai été visé, estime Swe Win, contacté par RSF. Il s’agit de la plus grave menace qui m’a été adressée pour que je me réduise au silence et que j’arrête mon travail. Mais tant que je serai en vie, je continuerai à m’exprimer et à pratiquer un journalisme parfaitement déontologique.”
Swe Win avait été arrêté le 30 juillet 2017 à l’aéroport de Rangoon, à la suite d’une plainte pour diffamation déposée contre lui par un fidèle du moine bouddhiste intégriste Ashin Wirathu. Durant deux ans, il a dû se présenter aux 71 audiences tenues au tribunal de Mandalay, dans le nord du pays, depuis son lieu de résidence, à Rangoon - soit, chaque fois, 18 heures de route. Les charges ont finalement été abandonnées le 2 juillet 2019.
La Birmanie détient la 139ème place, sur 180 pays, dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.