Le projet de loi sur la diffamation et les écoutes téléphoniques ravivent les inquiétudes.
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Reporters sans frontières s’inquiète du projet initié par les députés du parti au pouvoir Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB) de réformer le code pénal en matière de diffamation. L’organisation note également une explosion inquiétante des écoutes téléphoniques pratiquées dans le pays et le non respect du cadre légal des procédures par les institutions bulgares, notamment la police et le parquet.
Au début de l’année 2011, le vice-président du groupe parlementaire de GERB, Krassimir Veltchev a déclaré vouloir faire adopter une « nouvelle loi sur la diffamation », estimant que les sanctions prévues par la législation actuelle étaient « ridicules ». « Il nous faut une bonne loi grâce à laquelle n’importe quel citoyen, et pas seulement les hommes politiques, peut faire valoir ses droits », a-t-il dit. « On ne peut pas cracher impunément sur les institutions et les personnes. On ne peut pas avoir un Etat fort si tout le monde peut calomnier tout le monde », a ajouté le député. Selon la loi actuellement en vigueur, la diffamation est punie par des amendes allant de 1.500 à 3 500 euros, et de 2 500 à 7 500 euros lorsque le délit est commis par voie de presse.
« Nous appelons les députés de la majorité à ne pas modifier la législation actuelle sur la diffamation. La dépénalisation des délits de presse doit absolument être encouragée, tout particulièrement au sein des pays membres de l’Union européenne qui doivent impérativement donner l’exemple. Un éventuel durcissement des sanctions à l’encontre de la diffamation ne peut constituer qu’un grand pas en arrière en matière de liberté de la presse pour la Bulgarie. Nous resterons particulièrement attentifs sur l’évolution de ce dossier clé.»
Reporters sans frontières dénonce par ailleurs l’explosion des écoutes téléphoniques dans le pays. Selon le parquet de Sofia, les demandes de mises sur écoute ont quasiment doublé en un an, passant de 1 459 en 2009 à 2 214 en 2010. Dans des grandes villes de province comme Plovdiv (sud) ou Choumen (est), l’augmentation est respectivement de 500 % et de 67 %.
Début janvier, le Premier ministre Boïko Borissov avait reconnu que de hauts responsables gouvernementaux étaient sporadiquement mis sur table d'écoutes dans le cadre de la lutte contre la corruption. Le chef du gouvernement a justifié ces écoutes au nom de la « transparence ». Dans ce contexte, le patron de la police bulgare, Kaline Guéorguiev a cru bon de préciser qu’il ne voyait « aucun mal » à écouter aussi des journalistes ». Parce qu’il y a des « ordures et des bandits » parmi les représentants de la presse, a-t-il ajouté.
« Nous sommes consternés par les propos et par l’attitude de Monsieur Guéorguiez qui témoignent du peu de progrès effectués depuis 2008 par la police bulgare sur cette question essentielle. Nous rappelons au directeur de la police que selon la loi, la mise sur table d’écoute ne peut se faire qu’en dernier ressort et dans le cadre de crimes lourds ou d’atteinte à la sécurité nationale. L’aval du parquet reste par ailleurs indispensable ».
« Nous redoutons la banalisation de ces écoutes qui pourraient s’appliquer, comme cela a été le cas par le passé, à des représentants de la presse et, à terme, limiter le droit à la confidentialité des échanges. La latitude donnée aux services de police en la matière est aussi inacceptable que préoccupante. Les déclarations de Monsieur Guéorguiev ne peuvent rester sans suite. Nous demandons au ministre de l’Intérieur de prendre les sanctions qui s’imposent au risque d’encourager l’ensemble des services à un dangereux laxisme ».
En 2010, Reporters sans frontières s’était déjà inquiétée de la recrudescence des demandes introduites par le ministère de l’Intérieur pour obtenir le détail des factures de téléphones mobiles (fadettes) ainsi qu’un accès aux informations échangées entre des utilisateurs d’Internet. Dans un rapport publié en 2008, Reporters sans frontières avait également condamné la mise sur écoute hors cadre légal de nombreux journalistes par l’Agence de sécurité nationale (DANS), les services secrets bulgares. Le pays était alors gouverné par les opposants politiques actuels du GERB.
Publié le
Updated on
20.01.2016