le parcours de Tedros Abraham, journaliste érythréen aujourd’hui réfugié en Norvège

Après deux années d’exil et des milliers de kilomètres d’errance, Tedros Abraham, journaliste et universitaire érythréen, a publié le récit de son odyssée. Après avoir quitté Asmara à pied avec deux compagnons d’infortune, il est arrivé au Soudan le 17 novembre 2007, au terme de six jours éreintants de marche dans le désert. Du camp de réfugiés de Wedisherifay, à quelques kilomètres seulement de la frontière érythréenne, en passant par Khartoum, Tedros Abraham, aujourd’hui libéré de la crainte d’un retour forcé dans son pays d’origine, entend prendre un nouveau départ en Norvège. Il vient d’y obtenir, au terme du processus de réinstallation du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le statut de réfugié. Reporters sans frontières rappelle l’importance d’offrir une tribune aux journalistes contraints à l’exil qui, comme Tedros Abraham, face à « l’emprisonnement de (leurs) collègues » et la « souffrance constante » de leurs compatriotes, restent déterminés à combattre, par la plume, la cruauté des autorités d’Asmara. Son témoignage s’achève par ces mots : « Mon stylo reste mon arme.» Entre 2000 et 2001, à seulement dix-huit ans, Tedros rédige plus de soixante articles pour le compte de Setit, le plus important journal privé du pays avant sa fermeture par le gouvernement en septembre 2001. Pendant ses études de journalisme à l’université d’Asmara, il collabore avec le journal Hadas Eritrea et d’autres médias. Ces différentes publications lui valent des intimidations de la part des autorités ainsi que plusieurs périodes de détention. En juin 2006, fraîchement diplômé, il est assigné, dans le cadre de son « Service Universitaire », au site Internet du parti unique, le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ). Bien que soulagé de ne pas avoir été placé sous les ordres du ministère de l’Information et de son ministre en exercice, Ali Abdu, Tedros Abraham se dit néanmoins « attristé (…) de travailler pour une organisation responsable de la misère du peuple érythréen ». Refusant toujours de se plier aux exigences de la propagande gouvernementale au nom de la « défense de la liberté de la presse », Tedros s’est attiré la méfiance et l’hostilité de son patron. Craignant pour sa sécurité et conscient du sort réservé à nombre de ses confrères, Tedros a essayé plusieurs fois de quitter l’Erythrée. Après cinq tentatives infructueuses, Tedros et ses deux compagnons d’exil atteignent le Soudan. Le journaliste évoque leur chance d’avoir rencontré un vieux nomade soudanais, leur « héros », le long d’une frontière où tant d’autres Erythréens ont péri, parmi lesquels le journaliste Paulos Kidane en juin 2007. Se souvenant de Kassala (est du Soudan), « ville où la majorité des demandeurs d’asile érythréens se retrouvent avant d’être transférés vers le camp de réfugié avoisinant », Tedros dénonce les fausses promesses et les extorsions pratiquées par les gardes soudanais de la prison où ils ont été conduits. Du camp du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) de Wedisherifay, d’où il pouvait apercevoir les « collines érythréennes à quelques kilomètres seulement », Tedros Abraham évoque la crainte que tous éprouvaient d’être enlevé par des agents du gouvernement érythréen. A ce titre, il confie avoir eu de la chance, par comparaison au sort de milliers de ses compatriotes reconduits par les autorités soudanaises à la frontière. Tedros a ensuite rejoint illégalement Khartoum, au terme d’un voyage exténuant dans un camion où des passeurs avaient entassé quarante personnes. Rapidement, il s’intègre dans la capitale soudanaise et crée son propre journal, Shewit. La popularité de cette publication l’expose cependant à de nouvelles menaces de la part des autorités érythréennes et Tedros met un terme à ses écrits. Désireux de s’établir dans un pays où il pourrait exercer son métier librement, Tedros se soumet à la procédure de réinstallation pourtant « compliquée », « frustrante (…) car extrêmement longue » de l’UNHCR, refusant d’émigrer clandestinement vers l’Egypte ou la Lybie, comme nombre de ses concitoyens. Aujourd’hui en Norvège, Tedros Abraham profite de sa liberté chèrement acquise après deux ans d’exil et d’insécurité. Il entend reprendre ses activités journalistiques et travaille d’ailleurs à une série d’articles sur son arrivée et sa vie en Norvège. Le récit complet de Tedros Abraham (en anglais): Lire aussi: La fiche pays Erythrée Le témoignage de son confrère Salam Al-Eritri Le rapport d'Human Rights Watch sur l'Erythrée : "Service for Life: State Repression and Indefinite Conscription in Eritrea" (en anglais) Son témoignage complet sur le site delina.org (en anglais)
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Updated on 20.01.2016