Le journaliste bangladais Mahmudur Rahman victime d’un lynchage prémédité
Un célèbre journaliste proche de l’opposition a été sérieusement blessé par une centaine de militants du parti au pouvoir qui s’en sont pris à lui. Dans un contexte de précampagne électorale, Reporters sans frontières (RSF) appellent les autorités bangladaises à prendre des mesures pour mieux garantir la sécurité de tous les journalistes du pays.
La police n’a rien fait pour le protéger. Alors qu’il sortait du tribunal de district de Kushtia, dans l’ouest du Bangladesh, dans l’après-midi du dimanche 22 juillet, Mahmudur Rahman a été la cible d’une opération de lynchage en règle préméditée. Une centaine de membres de la Ligue Chhatra, la branche estudiantine du parti au pouvoir, a envahi l’enceinte du tribunal pour attaquer le journaliste à coups de pieux et de briques, le blessant en plusieurs endroits à la tête. Il a dû son salut à un avocat qui lui a permis de trouver refuge dans son bureau.
Mahmudur Rahman est l'ancien rédacteur en chef du quotidien Amar Desh (“Ma Nation”), proche de l’opposition au gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina. Fermé en 2013 par les autorités, le journal avait survécu en ligne jusqu'au blocage de son site en 2016.
Dimanche, Mahmudur Rahman s’était présenté devant la cour de Kushtia pour obtenir une libération sous caution dans le cadre d’une affaire de diffamation. Il est en effet poursuivi pour des remarques jugées “dépréciatives” contre plusieurs figures politiques passées ou présentes, dont le père de la nation ou encore l’actuelle Première ministre.
“Il est inadmissible que des journalistes fassent l’objet d’un pareil déchaînement de violence de la part de militants politiques, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Une enquête exhaustive devra déterminer qui sont les responsables de cet effroyable attaque, y compris au sein des forces de police. A quelques mois des élections générales, prévues pour la fin de l’année, il importe que toutes les voies qui se battent pour la démocratie et le pluralisme au Bangladesh soient respectées. C’est l’impérieuse responsabilité qui incombe au gouvernement de Dacca.”
L’actuel contexte de précampagne électorale tend à entraver le travail des médias qui enquêtent sur des affaires compromettantes pour le pouvoir. Le mois dernier, deux sites internet bangladais, bdnews24.com et le site du Daily Star, ont été momentanément bloqués par la Commission de régulation des télécommunications (CRT), dont le directeur a expliqué avoir lui-même agi sur ordre de “responsables hauts-placés du gouvernement”. En cause, les médias avaient publié des enquêtes sur la possible responsabilité de membres des services de sécurité dans l'assassinat d’un conseiller municipal de Cox’s Bazar, à l’extrémité sud-est du pays. L’article du Daily Star sur cette affaire, intitulé “C’était bien un meurtre !”, est aujourd’hui toujours inaccessible.
Le Bangladesh occupe la 146ème place sur 180 dans le Classement mondial pour la liberté de la presse 2017 établi par RSF.