Le gouvernement lève la censure préalable mais la liberté des journalistes et des médias reste gravement menacée
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Reporters sans frontières prend note de la déclaration du directeur général de la sécurité nationale et des services secrets annonçant, le 7 août 2010, la levée de la pré-censure sur les journaux soudanais. La décision a été officiellement communiquée aux médias nationaux par le biais du service des médias soudanais. La majorité des journaux ont fait part de cette nouvelle dans leur édition du 8 août 2010.
Le 7 août dernier, le directeur de la communication de l'appareil de sécurité a déclaré, au cours d'une conférence de presse, que la pré-censure instaurée par les autorités soudanaises avait été nécessaire afin de faire face à la publication de fausses nouvelles. Reprenant les propos du directeur général de la sécurité, le directeur de la communication a affirmé que certains articles avaient eu pour but de détruire les relations entre l'état soudanais et les pays voisins. Face à une telle invitation à la division et à la haine inter-tribale, les autorités n'auraient, selon le porte-parole, pas eu d'autres moyens que de censurer les journaux responsables.
Le directeur de la communication a, ensuite, annoncé la levée des mesures de pré-censure et a félicité, au nom du directeur de la sécurité, l'ensemble des journaux soudanais pour leur attitude positive envers les instructions et pour leur coopération avec le personnel des services de sécurité.
Toutefois, il a rappelé que chaque journaliste devait prendre ses responsabilités et devait s'autocensurer sur les questions pouvant menacer l'unité nationale. Le directeur de la communication a également affirmé que les autorités soudanaises disposaient d'un droit constitutionnel à user de nouveau de la censure de manière partielle ou totale dès que la stabilité nationale et l'unité du pays seraient menacées par des écrits.
Les services de sécurité clament qu'ils ont un droit constitutionnel à imposer la censure. Mais quel article de la constitution soudanaise leur donne cette possibilité ? Pour Reporters sans frontières, cet effet d'annonce est un véritable camouflet destiné à faire croire aux observateurs internationaux que la liberté de la presse est de retour au Soudan. La pré-censure sera peut-être levée, mais assortie de telles mises en garde, il est évident que rien ne va changer. La situation restera la même, les journalistes n'auront pas le droit de s'exprimer librement sur des sujets essentiels, tels que l'autonomie du Sud-Soudan.
L'organisation rappelle qu'elle a récemment écrit au président soudanais, Omar el-Béchir, afin de demander la levée de la censure. Lien vers la lettre .
Une autre preuve que les journalistes soudanais sont sous surveillance:
Au cours du mois de juillet, les services de sécurité soudanais ont distribué un questionnaire à l'ensemble des journalistes comprenant une vingtaine de questions détaillées sur leur affiliation politique, sur leur domicile et les plans de leur maison, sur l'identité et la profession de leurs proches ainsi que sur le numéro d'immatriculation de leur véhicule.
Les journalistes réticents à coopérer ont été convoqués par les officiers de la sécurité et interrogés jusqu'à ce qu'ils fournissent les informations attendues.
La mise en place de ce questionnaire est une grave atteinte aux libertés individuelles des journalistes et une véritable mesure d'intimidation. Elle offre sur un plateau d'argent les journalistes critiques recherchés par les services de sécurité. Ils sont ainsi localisés géographiquement, socialement, politiquement. Les officiers connaissent la plaque d'immatriculation de leur véhicule et les plans de leur maison. Reporters sans frontières est profondément choquée par cette mesure et s'inquiéte pour la sécurité des journalistes soudanais.
Une tendance inquiétante confirmée par de récents développements.
Le 9 août 2010, le gouvernement soudanais a notifié au service international de la BBC la suspension, pour une durée indéterminée, de l'accord permettant la diffusion du service arabe de la BBC sur les ondes FM du pays. Cette mesure à aboutit à l'interruption, le jour même, des programmes de la radio dans quatre villes situées au nord du Soudan (Khartoum, Port Soudan, Wad-Madani et Al-Obaied).
Les autorités ont affirmé que cette interruption n'avait rien à voir avec le contenu des programmes, mais était liée au non-respect par la radio de l'accord gouvernant les activités de la BBC.
Dans un communiqué publié sur leur site internet, la BBC assure que des discussions sont en cours et espère qu'elles permettront d'aboutir à un retour sur les ondes. Actuellement, les soudanais du Nord sont privés d'un des moyens d'information les plus importants du pays. Lien vers le communiqué .
Reporters sans frontières rappelle que le Soudan occupe la 148e place, sur 175 pays, du classement mondial 2009 établi par l'organisation.
Publié le
Updated on
20.01.2016