Le gouvernement doit respecter la loi sur les médias

Reporters sans frontières dénonce l'ingérence du gouvernement afghan dans la ligne éditoriale des médias. Le 27 juillet, le conseil des ministres a suspendu la diffusion de la chaîne de télévision privée Emroz, accusée de mettre en péril l'unité nationale. Dans la foulée, deux émissions jugées contraires aux valeurs islamiques des chaînes privées Yak et Tolo TV, ont également été censurées. "Le gouvernement ne doit, sous aucun prétexte, bafouer la loi sur les médias qui donne exclusivement le pouvoir de décision, en cas de délit commis par un média, à la Commission des médias. Nous demandons aux autorités de revenir sur ses décisions et de ne plus interférer dans le contenu des programmes des chaînes afghanes", a déclaré Reporters sans frontières. Le 27 juillet 2010, le conseil des ministres a ordonné au ministère de la Culture et l'Information, ainsi qu'au procureur général, d'interdire la diffusion de la chaîne Emroz. Fondée en août 2007, la chaîne est connue pour ses positions anti-iraniennes et anti-chiites. Le vice ministre de la Culture et de l'Information Jalal Norani a justifié cette action par l'importance de "faire prévaloir les valeurs et les intérêts nationaux". Le directeur d'Emroz, Najibolah Kabouli, a qualifié cette décision de "vengeance des groupes de pression pro-iraniens. "Depuis l'année 2009, notre média a organisé plusieurs manifestations contre la politique anti-afghane de l'Iran, dans les différentes villes du pays", a ajouté le directeur. La "guerre des médias" n'est pas nouvelle en Afghanistan. Depuis 1998, les médias soutenus par un parti politique ou un pays étranger mènent une guerre de l'information. Ainsi, la chaîne de télévision Tamadon (proche de leaders chiites), d'un côté, et Emroz et Shemshad, de l'autre, montrent un vrai esprit de rivalité. Au-delà des médias, ce sont leurs soutiens étrangers, notamment l'Iran et le Pakistan, qui s'affrontent pour gagner en influence. Rappelons le commentaire d'un journaliste de télévision, témoignant sous condition de l'anonymat à Reporters sans frontières en mars 2009: "Dans quel pays une puissance voisine peut-elle financer trois chaînes de télévision? L'influence de l'Iran s'est accrue, mais c'est également le cas du Pakistan et des Etats-Unis". Egalement le 27 juillet, le conseil des ministres a décidé de censurer l'émission "Del et Nadel", diffusée sur la chaîne privée Yak, et "Bazi Bakhat" de la télévision privée Tolo TV. Le conseil considère les deux émissions "anti-islamiques". Selon l'Union des journalistes afghans et l'Organisation afghane de la liberté de la presse (NAI), cette décision "peut être dangereuse pour la liberté d'expression". Les deux organisations de la presse déclarent "ne pas affirmer les contenus des programmes et la ligne politique des trois chaînes de télévision" mais affirment conjointement qu'il appartient à la Commission des médias de vérifier si un média est coupable de délit et elle seule peut décider du sort des médias". L'accusation d'anti-islamisme est l'un des principaux axes de censure en Afghanistan. Le terme, qui reste sans définition précise, a été souvent utilisé par les autorités pour interdire les émissions de télévision. Pour plus d'informations sur la situation de la liberté de la presse en Afghanistan, consulter le rapport d’enquête : A l’approche de l’élection présidentielle, la situation de la liberté de la presse se dégrade, publié par Reporters sans frontières en mars 2009. http://fr.rsf.org/afghanistan-rapport-d-enquete-a-l-approche-de-16-03-2009,30587.html
Publié le
Updated on 20.01.2016