Le directeur d'un journal de province condamné à un an de prison, son père arrêté à sa place
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Reporters sans frontières demande au gouvernement camerounais de rappeler à l'ordre les autorités de la province anglophone du Mbui (Nord-Ouest), après la condamnation à un an de prison ferme de Wirkwa Eric Tayu, directeur de publication de The Nso Voice Newspaper, dans un procédure entachée d'abus de pouvoir de la part des autorités locales.
“Il n'est pas tolérable que des autorités provinciales s'affranchissent des règles démocratiques qui prévalent au niveau national. A défaut de s'immiscer dans les affaires de justice, le gouvernement camerounais devrait au moins veiller à ce que les procédures légales soient respectées, ce qui n'est pas le cas en l'ocurrence. De plus, les poursuites engagées contre The Nso Voice Newspaper devraient être abandonnées, dans la mesure où l'article incriminé se fondait sur un document du gouvernement et où le procès qui lui est intenté fait manifestement partie d'un plan des autorités du Mbui pour le faire taire”, a déclaré l'organisation.
Le 13 août 2007, le tribunal de première instance de Kumbo, capitale de la province, a condamné Wirkwa Eric Tayu à douze mois de prison ferme et 850 000 francs CFA (1300 euros) d'amende pour “propagation de fausses nouvelles” et plusieurs autres délits de presse, dont “défaut de licence de publication” et “absence de dépot légal”. Entré dans la clandestinité depuis le 7 août, le journaliste a été condamné par contumace.
Son père, un chef coutumier local, s'étant engagé à présenter son fils au tribunal, a été arrêté à sa place puis libéré contre une caution de 50 000 francs CFA (75 euros). Incapable de “produire” le journaliste comme cela lui avait été enjoint par le tribunal, le père de Wirkwa Eric Tayu a été condamné à une amende de 500 000 francs CFA (750 euros), qu'il est incapable de payer en totalité.
The Nso Voice Newspaper a cessé de paraître depuis le verdict, par crainte de représailles. Wirkwa Eric Tayu, qui avait déjà effectué une peine de prison en 2004 pour une affaire similaire, était poursuivi pour un article intitulé “Corruption / Embezzlement Scandal at Kumbo Urban Council” (“Scandale de corruption et de détournement de fonds à la mairie de Kumbo”), paru en avril 2007. Celui-ci citait un rapport d'audit du gouvernement, impliquant les autorités de Kumbo dans un détournement d'argent devant servir au goudronnage des routes.
Il était également poursuivi pour avoir publié un supplément sans licence spécifique, une pratique pourtant courante et admise dans la presse camerounaise. De plus, les autorités accusaient The Nso Voice Newspaper d'avoir omis de déposer son édition au bureau du procureur général pour examen avant la mise en vente, un mécanisme qui n'est plus appliqué dans les centres urbains depuis des années. Sous la pression des médias, le gouvernement camerounais a supprimé, début 2007, le pouvoir de police administrative accordé aux autorités locales pour les affaires de presse, selon le Syndicat national des journalistes camerounais. Enfin, rien dans le code pénal ne prévoit l'incarcération d'un père à la place de son fils.
Publié le
Updated on
20.01.2016