Le Conseil d’État refuse au Point l’accès aux données nécessaires à son palmarès des hôpitaux : une forme de censure insidieuse et inquiétante

L’accès aux données sur l’activité des établissements de santé est essentiel depuis 20 ans au magazine Le Point pour lui permettre de publier son palmarès des hôpitaux. Le refus que lui a opposé la CNIL d’accéder à certaines de ces informations, confirmé aujourd’hui par le Conseil d’État, met l’hebdomadaire dans l’impossibilité de réaliser cette enquête annuelle. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une forme de censure préventive, par la restriction administrative de l’accès à la donnée.

Le Conseil d’État a confirmé, le 30 juin, le refus opposé au média Le Point par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de lui permettre d’accéder aux données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Cet ensemble de données anonymes sur l’activité médicale des établissements de santé est pourtant essentiel au magazine pour construire son palmarès annuel des hôpitaux. Ce revirement de la CNIL - qui accordait cet accès sans difficulté depuis 20 ans -  empêche l’hebdomadaire de publier son enquête, la seule du genre, d’un intérêt public pourtant indéniable. 

"La validation par le Conseil d’État de ce revirement de la CNIL porte gravement atteinte au droit à l’information du public sur un sujet d’intérêt général fort. Cette affaire révèle l’empiètement progressif du droit de la donnée sur le droit de la presse et la liberté d’informer. Par le verrouillage administratif en amont de l’accès à la donnée, cet empiètement permet de nouvelles formes de censure, en violation du droit de la presse. RSF soutiendra les actions du Point pour obtenir un revirement de la jurisprudence ou une révision des textes.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF

Pour refuser d’accorder l’accès du Point au PMSI, la CNIL a suivi en octobre dernier l’avis du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES) du ministère de la Santé. Celui-ci s’est permis de juger de “la pertinence de l’information fournie au lecteur”, et de la méthodologie du Point, pour considérer que la “finalité” de l’hebdomadaire n’est pas “d'intérêt public”. Or, si le CESREES est effectivement compétent pour se prononcer sur la finalité d’une demande d’accès à des données, les textes ne l’autorisent pas à juger de la pertinence d’une publication ou de la méthodologie dans l’utilisation de données. Il s’agit fondamentalement de la liberté éditoriale du média, et ne peut relever d’une décision d’une instance administrative.

Les données du PMSI étant anonymisées, il est difficile d’arguer que la CNIL est dans son rôle, celui d’assurer la protection des données personnelles. On peut légitimement craindre au contraire, comme Le Point, que les véritables raisons derrière ce refus sont d’ordre politique, et qu’il s’agit pour le CESREES “de mettre au pas ces journalistes qui osent dire que tous les établissements de soins ne sont pas égaux en qualité et indiquent ceux où il vaut mieux se faire soigner”.

Il est également difficile de ne pas remarquer qu’au moment même où le CESREES rendait un avis négatif tendant, de fait, à interdire au Point de publier son palmarès des hôpitaux, un outil concurrent était lancé par la Haute Autorité de santé : “QualiScope - Qualité des hôpitaux et des cliniques”. Un outil à la méthodologie peu transparente, qui ne permet aucune comparaison. Pauvreté des données mises à disposition du public, et simultanément restriction de l’accès aux données : RSF ne peut que dénoncer de nouvelles formes insidieuses d’atteinte au droit à l’information du public sur des questions d’intérêt général.

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