La Thaïlande instrumentalise la crise du Covid-19 pour restreindre la liberté d’informer

Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté un décret récemment adopté par le gouvernement thaïlandais qui, au motif de vouloir réguler les informations relatives au coronavirus, lui octroie le droit de décider de ce qui est vrai et ce qui est faux. L’organisation rappelle l’importance de respecter la liberté de l'information dans cette période cruciale.


Cinq ans d’emprisonnement… C’est la peine pour le moins dissuasive que risque désormais tout journaliste ou tout média thaïlandais qui s’aventurerait à publier une information relative au Covid-19 que le gouvernement jugerait “fausse ou pouvant générer la peur au sein du public”. Cette mesure, qui n'a été accompagnée d'aucune définition de ce que les autorités entendent par "information fausse", a été adoptée par décret dans le cadre de l’instauration, jeudi 26 mars, de l’état d’urgence dans le pays.


Avec ce texte, le pouvoir exécutif est habilité à exiger des organes de presse qu’ils “corrigent” toute information jugée non-conforme, faute de quoi ils seront poursuivis au titre de la loi sur les crimes informatiques, dont RSF avait condamné la sévérité par le passé. Le décret punit également “la déformation délibérée d’informations provoquant des malentendus et affectant la paix et l'ordre ou la morale publique”.


“Avec ce décret aux formulations particulièrement floues, le gouvernement du général Prayut s’érige en 'Ministère de la Vérité' à même de dicter aux journalistes ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, déplore Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Les autorités thaïlandaises instrumentalisent clairement la crise du Coronavirus pour censurer ou restreindre le travail de la presse. Ces pratiques sont d’autant moins acceptables que le travail des journalistes est absolument crucial dans ce contexte d’urgence, et doit par conséquent pouvoir être effectué sans crainte de représailles.”


Trois jours avant l’adoption de ce décret, le 23 mars, les autorités thaïlandaises avaient déjà interpellé un citoyen thaïlandais, Danai Ussama, à son arrivée à l’aéroport de Phuket. Son seul crime avait été d’avoir voulu informer ses concitoyens, à travers les réseaux sociaux, du fait que personne, sur son vol, n'avait été contrôlé à l'arrivée. Accusé d'avoir diffusé “de fausses données informatiques de manière à provoquer la panique dans le public”, il a été libéré sous caution le lendemain. Il doit comparaître le 12 mai.


La Thaïlande se classe au 136e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019.

Publié le
Updated on 06.05.2020