Les nouvelles régulations adoptées par le général Pervez Musharraf détruisent tous les acquis en matière de liberté de la presse. L'armée a également lancé une répression musclée à l'encontre des médias indépendants. Et les télévisions privées sont toujours interdites.
Les nouvelles régulations sur les journaux et les médias audiovisuels plongent le pays vingt ans en arrière
Reporters sans frontières dénonce avec la plus grande fermeté la répression engagée par les forces de sécurité contres les médias privés d'information. Des dizaines de journalistes ont été interpellés, agressés ou empêchés de travailler, tandis des équipements de diffusion de plusieurs médias audiovisuels ont été saisis. Le contenu des nouvelles régulations sur les journaux et les médias électroniques, promulguées le 3 novembre, signent la mort certaine des télévisions et des radios d'information privées qui avaient vu le jour au cours des dernières années.
"En l'espace de trois jours, le général Pervez Musharraf est en train de détruire, un par un, les acquis en matière de liberté de la presse. Sous les coups de boutoir de l'armée, les médias pakistanais, et plus particulièrement les télévisions et radios privées, risquent de perdre toute possibilité de diffuser des informations indépendantes. Aujourd'hui, nous soutenons la mobilisation des syndicats de journalistes et des rédactions pour que cesse la répression à l'encontre des médias et à l'état d'urgence. De son côté, la communauté internationale ne doit pas rester indifférente devant cet assassinat programmé des médias pakistanais", a déclaré l'organisation.
Dans la foulée de la proclamation de l'état d'urgence, le général Pervez Musharraf a modifié les Press, Newspapers, News Agencies and Books Registration Ordinance de 2002 et la Pakistan Electronic Media Regulatory Authority (PEMRA) Ordinance de 2002. Selon les copies des amendements obtenus par Reporters sans frontières :
- il est interdit à tous les médias de diffuser des images ou des informations sur un attentat-suicide (le terroriste et ses revendications ou les victimes) ;
- de tenir des propos préjudiciables pour l'idéologie, la souveraineté, l'intégrité et la sécurité du Pakistan ;
- de diffuser des programmes ou des informations incitant à la violence ou contraires à la sécurité publique ;
- de diffuser une quelconque information qui ridiculise le chef de l'Etat, l'armée et les institutions ;
- de parler d'une procédure judiciaire en cours ;
- de reproduire des informations fausses ou sans fondement.
Les deux nouveaux textes donnent tout pouvoir à l'administration pour saisir les journaux, et à la PEMRA pour confisquer les équipements des chaînes et des stations de radio qui ne respecteraient pas ces règles. Les propriétaires des médias risquent jusqu'à trois ans de prison et une amende de dix millions de roupies. La nouvelle régulation interdit également aux médias pakistanais de signer des accords de diffusion avec des médias étrangers sans autorisation de la PEMRA. Enfin, les opérateurs de câble ou distributeurs peuvent être condamnés à une peine allant jusqu'à un an de prison pour avoir violé ces ordonnances.
Alors qu'en juin dernier, le gouvernement avait dû abandonner, sous la pression nationale et internationale, son projet de durcissement des règles pour les médias audiovisuels, ces modifications liberticides ont été, cette fois, adoptées en force.
Violences contre la presse
Le 5 novembre, la police de Karachi (Sud) a tenté de fermer l'imprimerie du groupe de presse Jang. Les responsables du groupe avaient refusé d'arrêter l'impression de l'un des titres du groupe, Awam (People), qui contenait un supplément sur les événements intervenus depuis la déclaration de l'état d'urgence. La mobilisation de la direction et des salariés du groupe a permis d'empêcher la censure d'Awam.
Au même moment, au moins cinq photographes et cameramen ont été arrêtés par la police devant le Karachi Press Club, alors qu'ils couvraient une manifestation de militants des droits de l'homme. Le 5 novembre également, un correspondant de la BBC a été interpellé près du domicile d'un juge de Karachi alors qu'il tentait de prendre des photos. Les policiers ont effacé les clichés. A Quetta, un policier a détruit l'appareil d'un reporter de l'Agence France-Presse qui couvrait une manifestation.
Le 4 novembre, la police est intervenue dans les bureaux de la chaîne de télévision Aaj TV à Islamabad. Les policiers ont tenté de perquisitionner une camionnette utilisée pour retransmettre en direct des événements à l'extérieur et du matériel de transmission. Les locaux de la radio FM 99 ont également été encerclés par la police.
Le 3 novembre, Sattar Kakar, chef du bureau de la chaîne privée ARY à Quetta (Sud-Ouest), et son cameraman, ont été interpellés pendant quelques heures. Le lendemain, les forces de sécurité ont perquisitionné les bureaux de la chaîne à Sukkur (Sud). Ils ont arrêté deux frères du chef de bureau et menacé des employés.
Avant même la déclaration d'urgence, des membres de la PEMRA ont investi, le 3 novembre, les bureaux de la radio FM 103 à Islamabad. Suite à l'intervention de Rana Altaf, un responsable du PEMRA, trente policiers ont encerclé la radio, et ont saisi ses équipements de diffusion.
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