La rédaction d’un journal d’opposition victime d’un incendie criminel
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Reporters sans frontières condamne fermement l’incendie criminel qui a ravagé la rédaction de l’hebdomadaire Vetcherny Krasnokamsk, dans la région de Perm (Sud-Ouest), le 28 janvier 2012. Les locaux du journal, publié par la branche locale du parti d’opposition libérale Iabloko, ont été entièrement détruits par les flammes.
“Un incident de cette gravité doit être d’autant plus pris au sérieux qu’il aurait pu faire des victimes. L’ombre portée de cet acte, en termes d’intimidation, est d’autant plus importante en cette délicate période pré-électorale. Aussi l’ensemble des partis politiques en lice doivent-ils impérativement le condamner clairement. Nous espérons que les enregistrements des caméras de télésurveillance permettront à la police de mener une enquête rapide et complète”, a déclaré l’organisation.
Le 28 janvier 2012 vers 4 heures du matin, un inconnu a brisé une fenêtre de la salle de rédaction de Vetcherny Krasnokamsk avant d’y jeter un cocktail Molotov. Les locaux ont brûlé en quelques minutes. Si aucun blessé n’est à déplorer, l’ensemble des équipements, des archives et des documents comptables du journal sont détruits. D’après la rédactrice en chef, Olga Kolokolova, les dommages s’élèveraient à 300 000 roubles (environ 7 500€). Celle-ci, également présidente de l’antenne locale du parti Iabloko, a relié l’incendie à la série d’enquêtes sur des allégations de corruption impliquant la mairie, récemment publiée par son journal. Le maire, Youri Tchetchetkine, a protesté qu’il ne voyait aucun inconvénient à ce que Vetcherny Krasnokamsk poursuive son activité.
Le climat politique est tendu dans la région de Perm, où un candidat de Iabloko à l’élection législative a été passé à tabac le 29 novembre 2011. Sur le plan national, les manifestations massives consécutives aux élections législatives de décembre 2011 ont eu des répercussions sur le paysage médiatique traditionnel, qui oscille entre verrouillement et ouverture à la veille de l’élection présidentielle du 4 mars 2012.
De par le nombre de manifestants rassemblés “pour des élections justes” dans de nombreuses villes de Russie, l’opposition est parvenue à enfoncer un coin dans le blocus médiatique qui lui était imposé depuis des années. Au cours du mois de janvier, les principales chaînes de télévision privées (en réalité dépendantes du Kremlin) telles que NTV et Pervy Kanal, ont commencé à donner la parole, même de manière limitée et incomplète, à des opposants historiques à des heures de grande écoute. Dans le dernier exemple en date, dimanche 29 janvier 2012 au soir, NTV a laissé Boris Nemtsov dénoncé les fraudes électorales.
Mais dans le même temps, plusieurs journalistes critiques ont été licenciés ou ont démissionné pour protester contre des pressions internes. Le 13 décembre 2011, le rédacteur en chef du magazine indépendant Vlast, Maksim Kovalski, et le directeur de sa maison mère, Andreï Galiev, ont été remerciés par leur propriétaire Alicher Ousmanov pour “violation des règles éthiques”. En cause, le numéro de la veille, dans lequel un article sur les fraudes électorales était illustré par la photographie d’un bulletin de vote barré par une insulte envers Vladimir Poutine. Le titre en couverture de l’hebdomadaire mêlait en un jeu de mots le nom du parti au pouvoir, Russie Unie, et l’expression “bourrage des urnes”.
Les quelques gestes des autorités à l’égard des médias sont donc loin de signifier une ouverture réelle de la compétition politique. Le 27 janvier 2012, la candidature de Grigori Iavlinski, représentant de Iabloko pour l’élection présidentielle, a été invalidée par la Commission électorale centrale. L’association Golos, spécialisée dans l’observation électorale indépendante, a appris que l’électricité allait être coupée dans ses locaux moscovites jusqu’au 6 mars, pour cause de “travaux de rénovation”. Elle allait justement présenter une nouvelle version de sa fameuse carte interactive recensant les fraudes électorales, adaptée à l’élection présidentielle à venir.
La Russie est classée 142e sur 179 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. En septembre 2009, Reporters sans frontières avait publié une enquête sur l’état de la liberté de la presse dans la région de Perm, ainsi que dans six autres provinces russes.
Publié le
Updated on
20.01.2016