La presse reste sur ses gardes

Malgré les attaques contre les médias qui ont suivi le départ de Jean-Bertrand Aristide du Palais national, les journalistes poursuivent leur travail. Reporters sans frontières a interrogé quelques-uns d'entre eux sur le climat dans lequel ils ont repris leurs activités ce 1er mars. Au cours de la seule journée du 29 février, cinq stations, radio ou télé, avaient été attaquées.

Malgré les attaques contre les médias qui ont suivi le départ du président Jean-Bertrand Aristide, les journalistes poursuivent leur travail. Reporters sans frontières a interrogé quelques-uns d'entre eux sur le climat dans lequel ils ont repris leurs activités ce 1er mars. "On ne peut pas parler de terreur. Simplement, on reste sur nos gardes car les chimères sont toujours armées", explique Achille Louis-Marie, rédacteur en chef de Radio Métropole. Un avis partagé par Vario Sérant, rédacteur en chef de la chaîne Télé Haïti : "Nous restons prudents. Je vous rappelle que plusieurs d'entre nous ont dû se mettre à couvert ces derniers jours pour échapper à une agression". "Jusqu'à hier après-midi les chimères étaient devant certaines radios. On reprend mais on fait très attention. La situation est toujours très difficile", résume de son côté Marie-Lucie Bonhomme, rédactrice en chef de Radio Vision 2000. Au cours de la seule journée du 29 février, cinq stations ont été attaquées par des partisans de Jean-Bertrand Aristide. Reporters sans frontières avait plusieurs fois appelé les parties à mettre fin à l'usage de la violence. "Dans cette situation d'extrême confusion, la société haïtienne a avant tout besoin d'information indépendante et fiable", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. La plupart des médias progouvernementaux ont cessé leurs émissions. Radio et Télé Ti Moun, deux médias appartenant à la fondation du président démissionnaire, et les chaînes Télé Eclair et Télé Max ont mis fin à leur diffusion peu avant le départ du Président. La chaîne publique Télévision nationale d'Haïti (TNH) a continué d'émettre le 29 février, donnant la parole au président intérimaire et, dans la soirée, à l'opposition. Dans la nuit du 27 au 28 février, des partisans de Fanmi Lavalas ont mitraillé les bureaux de Radio Vision 2000, une des principales stations privées de Port-au-Prince. Selon le directeur de la radio, Léopold Berlanger, la radio a dû fermer. Suite à cette attaque, la station privée Kiskeya avait momentanément suspendu ses programmes d'information. Le 29 février, l'immeuble de Radio Vision 2000 a été de nouveau mitraillé et en partie incendié. La radio espère bénéficier d'une protection de la police et reprendre ses programmes dès le 2 mars. Le 29 février, des hommes armés ont saccagé et pillé les locaux de Télé Haïti, la dernière chaîne de télévision indépendante du pouvoir. "Tout a été volé ou cassé", a expliqué Marie-Christine Blanc, directrice de Télé Haïti dans un message reçu par Reporters sans frontières. Cette dernière a expliqué que les agresseurs ont enfoncé la barrière de la station avec un bus en fin de matinée provoquant la fuite des agents de sécurité. Vers 17 heures, un membre de la chaîne a pu rentrer, accompagné par la police. Selon Vario Sérant, directeur de l'information de Télé Haïti, certains des agresseurs portaient des T-shirts à l'effigie d'Aristide et le bâtiment était encerclé depuis la veille au soir. Les dégâts sont estimés à plusieurs centaines de milliers de dollars. Le bâtiment abrite également le bureau de la station française Radio France internationale (RFI) qui a brièvement suspendu ses émissions sur Haïti. Quatre jours plus tôt, une équipe de Télé Haïti, composée de la journaliste Jhenny Favélus et du cameraman Claude Cléus, avait été menacée et prise à partie alors qu'elle tentait de regagner ses bureaux. Leurs agresseurs avaient menacé de "marcher sur Télé Haïti". Selon Vario Sérant, ils avaient alors brûlé des pneus et érigé des barricades devant la station contraignant le personnel à quitter les lieux. Les agresseurs avaient recommencé le lendemain. Toujours le 29 février, selon Radio Métropole, la station privée de Port-au-Prince, Radio Ibo, aurait été victime d'une attaque et contrainte de suspendre ses émissions d'information. Une autre radio de la capitale, Signal FM, a essuyé des tirs. Après avoir reçu des menaces téléphoniques, Radio Métropole a interrompu ses programmes d'information de 14 heures à 16 heures. A Léogane, Radio Passion a été saccagée par des partisans d'Aristide. Au moins trois autres médias ont été attaqués ou menacés au cours de la semaine dernière. Le 26 février, les locaux de la radio Echo 2000, de Petit-Goâve (70 kilomètres au sud-ouest de Port-au-Prince), ont été incendiés par des partisans présumés du président Aristide. Le 3 décembre 2001, Brignol Lindor, un journaliste de cette station avait été assassiné par des partisans du pouvoir qui n'ont depuis jamais été inquiétés malgré des aveux publics. Le 24 février, Michel Jean et Sylvain Richard, journaliste et cameraman de la chaine de télévision Radio Canada, avaient été la cible de tirs de la part de chimères pro-Aristide dans le nord de Port-au-Prince. Dans un communiqué publié le 23 février, Reporters sans frontières avait dénoncé des attaques inédites dirigées contre la presse étrangère la semaine précédente. Pour sa part, la direction de Radio Solidarité, proche du pouvoir, avait dénoncé le 26 février avoir reçu des menaces de mort et d'incendie la veille au soir.
Publié le
Updated on 20.01.2016