La justice blanchit un journaliste de l'accusation de « divulgation de secrets d'Etat »

Reporters sans frontières se félicite de la décision de la 2e chambre pénale de la Cour supérieure de Lima, qui a blanchi, le 2 octobre 2006, Mauricio Aguirre Corvalán de l'accusation de « divulgation de secrets d'intérêt national au préjudice de l'Etat ». Le journaliste, ancien de la chaîne Canal 4, risquait une peine de huit ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. En septembre 2003, Mauricio Aguirre Corvalán avait diffusé dans le cadre de son émission « Cuarto Poder », une vidéo tournée en 1998 par le propre fils d'Alberto Fujimori, alors président de la République au moment où celui-ci présidait un conseil de défense. Le journaliste avait rendu publique la vidéo avec l'accord des intéressés et Alberto Fujimori avait lui-même utilisé l'enregistrement pour sa campagne en 2000. _____________________________________________________________ 13.09.06 - Poursuites judiciaires abusives contre la presse : un journaliste risque huit ans de prison
Reporters sans frontières est très inquiète de l'issue du procès de Mauricio Aguirre Corvalán, ancien de la chaîne de télévision Canal 4, accusé de “divulgation de secrets d'Etat”. Le journaliste risque huit ans de prison. Son collègue indépendant Humberto Ortiz Pajuelo encourt, quant à lui, quatre ans de prison pour “délit contre l'administration judiciaire”, après avoir révélé, en 2004, une affaire d'extorsion de fonds impliquant un fonctionnaire du renseignement. “Ces poursuites relèvent d'un abus de pouvoir et d'un acharnement procédurier qui ne traduisent pas autre chose qu'une hostilité envers la presse. Dans l'affaire Aguirre Corvalán, le chef d'inculpation est d'autant plus grotesque que l'ancien président Alberto Fujimori avait lui-même autorisé l'enregistrement et la diffusion de la vidéo incriminée. Cette autorisation n'aurait jamais été donnée si le contenu de cette vidéo avait révélé des secrets d'Etat. Dans la seconde affaire, un prétexte fallacieux est utilisé pour, en fait, forcer Humberto Ortiz Pajuelo à livrer ses sources. Dans les deux cas, la justice enfreint la Déclaration de principe sur la liberté d'expression de l'Organisation des Etats américains (OEA) que le Pérou a ratifiée. Nous demandons la relaxe pure et simple pour les deux journalistes”, a déclaré Reporters sans frontières. En septembre 2003, Mauricio Aguirre Corvalán, alors présentateur du programme “Cuarto Poder” sur Canal 4, avait diffusé une vidéo, datant de 1998, de l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000) en train de présider un Conseil de défense sur le conflit frontalier entre le Pérou et l'Equateur. C'est le propre fils de l'ancien président qui avait filmé la réunion, avec l'accord de son père. Loin de révéler des secrets d'Etat, la vidéo avait même été utilisée par Alberto Fujimori pour sa campagne de réélection en 2000. Le service de presse de l'ancien président avait, par ailleurs, envoyé la cassette à la rédaction de “Cuarto Poder”, afin d'illustrer une interview qui lui était consacrée. Le 15 août 2006, le 2e parquet supérieur de Lima a réclamé une peine de huit ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour “révélation de secrets d'intérêt national au préjudice de l'Etat” contre Mauricio Aguirre Corvalán, dont le jugement a été fixé au 13 septembre. Le 24 août, le procureur Pedro Angulo Arana, du 4e parquet supérieur de Lima (spécialisé dans les délits de corruption de fonctionnaires), a requis une peine de quatre ans de prison et 2500 euros de réparation civile contre Humberto Ortiz Pajuelo, accusé de “délit contre l'administration judiciaire”. Dans une enquête publiée en 2004, le journaliste avait mentionné l'existence d'un enregistrement audio, tendant à prouver que le chef du Conseil national du renseignement, César Almeyda, avait extorqué de l'argent au général Oscar Villanueva. La justice avait réclamé l'enregistrement au journaliste, qui avait assuré que sa source, dont il n'avait pas donné le nom, le détenait. Du coup, le parquet avait accusé Humberto Ortiz Pajuelo de dissimuler des preuves dans l'enquête ouverte contre César Almeyda et de vouloir revendre l'enregistrement à des tiers. Le même procureur Angulo avait, dans un premier temps, classé sans suite les poursuites engagées contre le journaliste. Sa décision, désavouée par une juridiction supérieure, l'a obligé à rouvrir le dossier. Résidant actuellement à Miami, Humberto Ortiz Pajuelo a déclaré qu'il se soumettrait à la justice péruvienne lorsqu'elle le convoquerait de nouveau.
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Updated on 20.01.2016