La disparition de deux journalistes espagnols rendue publique trois mois après
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Au cours de deux conférences de presse organisée à Beyrouth puis à Madrid, les familles de Javier Espinosa et Ricardo Garcia Vilanova ont rendu publique, ce mardi 10 décembre 2013, la nouvelle de leur enlèvement par l’Etat islamique d’Irak et du Levant (ISIS) en septembre dernier dans la province de Raqqa.
Reporters sans frontières condamne fermement cet enlèvement qui montre, une fois de plus, la stratégie d’ISIS de vouloir éliminer toute présence de journalistes étrangers dans les zones qu’il contrôle et entend contrôler. “Alors que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 26 novembre 2013, la première résolution sur la sécurité des journalistes, il est urgent que la communauté internationale intervienne pour ne pas laisser ISIS étendre son emprise sur l’ensemble des zones dites “libérées” dans le nord du pays. Le cauchemar de la population syrienne, notamment des acteurs de l’information, pris en étau entre l’armée régulière et les groupes armés proches d’Al-Qaeda, appelle une mobilisation urgente”.
D’après le quotidien espagnol EL Mundo, pour lequel travaille Javier Espinosa, les deux journalistes s’apprêtaient à quitter la Syrie après quinze jours de reportage sur "les conséquences de la guerre sur les civils” dans la région de Deir Ezzor (est du pays), quand ils ont été kidnappés, le 16 septembre dernier, à un check point à Tel Abiyad, avec quatre combattants de l’Armée syrienne libre censés assurer leur protection. Ces derniers ont été libérés douze jours plus tard.
Au cours de la conférence de presse de Beyrouth, Monica G.Pietro, l’épouse de Javier Espinosa, a estimé que la situation était actuellement dans l’impasse, annonçant le lancement d'une campagne pour leur libération. “Aujourd’hui, nous appelons la population syrienne et tous les groupes armés à aider à la libération de Javier et Ricardo qui ont toujours été engagés à montrer l’humanité et la souffrance de la population syrienne dans ces temps difficiles.”
Les deux reporters, très expérimentés, ont couvert le soulèvement contre le régime de Bashar Al-Assad dès ses débuts en mars 2011.
D’abord correspondant du quotidien El Mundo en Afrique du Sud, puis au Mexique pour l’Amérique latine (1995-99), et enfin à Rabat pour couvrir l’Afrique (1999-2002), Javier Espinosa Robles, âgé de 49 ans, est devenu correspondant de El Mundo pour le Proche-Orient. Basé à Beyrouth depuis 2002, il s’est particulièrement illustré dans la couverture de l’intervention américaine en Irak en 2003 et des années qui ont suivi la chute de Saddam Hussein. Il a également couvert les soulèvements populaires dans le monde arabe depuis 2011. En février 2012, il s’est retrouvé prisonnier avec les journalistes Edith Bouvier, William Daniels et Paul Conroy dans l’enfer de Bab Amr après le bombardement du centre des médias du quartier par l’armée régulière. Son travail a été récompensé par de nombreux prix internationaux, tels que le Prix Bayeux-Calvados en 2012, en catégorie presse écrite pour son article “La dernière bataille de Bab Amr”.
Photographe et vidéaste freelance, Ricardo Garcia Vilanova est spécialisé depuis plus de quinze ans dans la couverture des conflits et des crises humanitaires. Il s’est donné pour objectif d’être le témoin, caméra à la main, des violations des droits de l’homme, notamment à l’encontre des enfants. Il a notamment couvert le soulèvement en Libye en 2011 (travail pour lequel il a reçu le Rory Peck Trust Award en 2012 -catégorie Features - avec Alberto Arce pour “Misrata, victory or death”) avant de décider de se consacrer à la Syrie, pays dans lequel il a effectué de nombreux reportages au cours des deux dernières années. Lauréat de nombreuses récompenses en 2013, il a notamment travaillé pour Channel 4, APTN, Reuters ou Euronews, tout en collaborant auprès des Nations unies et d’organisations humanitaires telles que le CICR, MSF ou HRW.
Reporters sans frontières rappelle que 18 journalistes étrangers sont à ce jour enlevés, détenus ou portés disparus en Syrie. L’organisation dénombre également 22 acteurs syriens de l’information actuellement aux mains par de groupes armés dans le nord de la Syrie.
Reporters sans frontières est partenaire de la campagne “Free press for Syria”, lancée le 2 décembre dernier, afin de dénoncer la “stratégie délibérée (de ISIS) visant à étouffer la liberté de la presse et à imposer une nouvelle censure généralisée au peuple syrien”.
Publié le
Updated on
20.01.2016