La demande d'extradition d'un journaliste tadjik réfugié en Allemagne est "absurde et illégale"
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C’est avec perplexité et inquiétude que Reporters sans frontières a appris la demande d’extradition du journaliste et opposant tadjik Dodojon Atovulloev, envoyée aux autorités russes par le parquet général de Douchanbé. Réfugié politique en Allemagne, celui-ci partage son temps entre Hambourg et Moscou. Il se trouve pour l’instant en liberté dans la capitale russe.
« Cette requête est avant tout absurde. Dès lors que le journaliste a obtenu l’asile politique en Allemagne en 2002, ni Douchanbé ni Moscou n’ont aucun droit sur lui. Nous ne doutons pas que les autorités russes, conformément au droit international et comme elles l’ont déjà fait, opposeront une fin de non-recevoir à la partie tadjike », a déclaré l’organisation.
« Un réfugié ne peut en aucun cas être renvoyé de force dans son pays d’origine. Un tel mépris des règles élémentaires du droit international, de la part des autorités tadjikes, est proprement consternant. »
Dodojon Atovulloev est le fondateur et rédacteur-en-chef du mensuel d’opposition Tcharogi Ruz (« Lumière du jour »). Premier titre privé créé après l’indépendance en 1991, celui-ci est connu pour ses dures critiques à l’égard du pouvoir tadjik. Menacé de mort, accusé d’outrage au président et d’« incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse », le journaliste a été contraint de quitter son pays en 2001. La rédaction de Tcharogi Ruz, vandalisée à Douchanbé, est désormais basée à Moscou.
Mais tandis qu’au Tadjikistan, des membres de sa famille étaient détenus pendant plusieurs semaines, les menaces de mort ont poursuivi Dodojon Atovulloev. Arrêté en juillet 2001 à l’aéroport de Moscou, ce n’est qu’à une forte mobilisation des associations de défense des droits de l’homme qu’il a dû de ne pas être renvoyé à Douchanbé.
Les charges retenues contre le journaliste ont dans un premier temps été levées. Mais malgré les années et l’éloignement, le ton de Tcharogi Ruz ne change pas, et en 2007, Dodojon Atovullaev décide même de créer un parti politique d’opposition, « Vatandor ». C’en est trop pour le pouvoir tadjik. En 2008, il est à nouveau mis en examen pour « outrage au président » et « appels publics au renversement violent de l’ordre constitutionnel ». C’est dans ce cadre que la demande d’extradition a été annoncée par le procureur général Cherhon Salimzoda le 12 avril 2011.
Alors que l’année 2010 s’est caractérisée par un tour de vis généralisé vis-à-vis de la presse au Tadjikistan, il est devenu urgent pour les autorités de faire taire ce « terroriste de l’information », comme le nommait en 2008 le procureur général de l’époque, Bobojon Bobokhonov. Fin septembre 2010, malgré la lourde répression qui s’abat sur les médias mentionnant les affrontements armés dans la vallée de Rasht, Dodojon Atovulloev n’hésite pas à parler de « retour de la guerre civile ».
Reporters sans frontières condamne la requête illégale du parquet général tadjik, et appelle les autorités russes et allemandes à faire le nécessaire pour protéger le journaliste.
(Photo: Asia-Plus)
Publié le
Updated on
20.01.2016