« La Colombie doit remonter au Classement de la liberté de la presse », affirme le président Santos

Lors d’une rencontre avec le président colombien Juan-Manuel Santos au palais présidentiel de Bogota, le 31 août 2017, Reporters sans frontières (RSF) a demandé un renforcement de la protection des journalistes dans le pays et de la lutte contre l’impunité. Le chef de l’Etat a regretté que le pays soit à la 129ème place du pays au Classement mondial de la liberté de la presse.

L’entrevue entre le président Santos et le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) Christophe Deloire se sera déroulée sous le signe de l’espoir. Un espoir porté par les récents accords de paix avec les FARC qui ont mis fin à près d’un demi-siècle de conflit. Le secrétaire général a souligné l’importance pour le pays de mieux protéger ses journalistes, victimes ces dernières décennies des mouvements de guérilla, des narcotrafiquants, des paramilitaires et souvent de fonctionnaires de l’Etat ou responsables politiques.


Selon l’organisation, 58 journalistes ont été assassinés entre 2000 et 2016 en relation évidente ou probable avec leur activité professionnelle, faisant de la Colombie l’un des pays les plus meurtriers du continent pour la profession. Près de 90% de ces crimes demeurent impunis. Dans ce sinistre tableau, il est important de signaler qu’aucun journaliste n’a été tué en Colombie depuis le 1er janvier 2016. Si la situation sécuritaire est satisfaisante pour les journalistes dans la capitale Bogota, ces derniers sont soumis à des menaces terribles dans de nombreuses régions du pays, empêchés de réaliser leurs enquêtes.


En matière d’impunité, RSF souhaite rappeler le cas emblématique de Nelson Carvajal Carvajal, journaliste de Radio Sur assassiné en avril 1998 et pour lequel la justice colombienne, après 17 ans de piétinements et d’irrégularités, n’est pas parvenue à identifier ni sanctionner les coupables. En 2015, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH-San José) s’est saisie du dossier. Lors des audiences réalisés les 22 et 23 août 2017, les représentants de l'Etat colombien ont déclaré que l'absence de condamnation dans cette affaire relevait de la responsabilité de la famille de Carvajal, et minimisé la situation d'impunité et de violences contre la presse dans le pays, comme le dénonce la Flip, partenaire de RSF en Colombie, dans une lettre diffusée le 28 août.


« Nous considérons que si le président Santos incarne aujourd’hui la paix, notamment en raison de son prix Nobel, il doit incarner également la liberté de la presse, déclare Christophe Deloire. Il a paru préoccupé du fait que la Colombie soit aussi bas au Classement mondial de la liberté de la presse, à la 129ème place. Nous croyons qu’à un an de la fin de son mandat le chef de l’Etat doit engager des réformes profondes pour favoriser la lutte contre l’impunité des assassinats de reporters, améliorer l’efficacité de l’Unité de protection des journalistes dans les régions les plus difficiles, afin que la Colombie puisse devenir un modèle en matière de liberté de la presse en Amérique latine.


Ancien éditorialiste, puis directeur adjoint du quotidien El Tiempo, - l’un des plus importants médias de Colombie dont sa famille est propriétaire -, et ancien président de la Commission liberté d’expression de la société interaméricaine de presse (Sociedad Interamericana de Prensa –SIP), le président Santos s’est montré sensible aux causes défendues par RSF. Interrogé par l’organisation sur la lutte contre la concentration, il a exposé sa conception libérale de la profession: « moins il y a de régulation, plus il y a de la liberté de la presse », et de rappeler les efforts « considérables » entrepris par la Colombie pour faire partie des références mondiales en matière d’opendata (la Colombie est classée 4ème de l’OURdata Index de l'OCDE en 2017).


La délégation de RSF a également rencontré le ministre de l’Intérieur colombien Guillermo Rivera, en charge de mettre en place le projet de politique publique sur la liberté d’expression. Un accord ambitieux, fruit de deux ans de concertations avec les médias nationaux, locaux, et la société civile, prévoyant notamment des garanties judiciaires, de protection et d’accès à l’information pour la profession, avait été dévoilé en mai 2016. Mais son application est depuis restée lettre morte. Le ministre Rivera s’est engagé à mettre en place ces accords avant la fin du mandat du président Santos en mai 2018.


D’autres dispositions favorables à la presse sont prévues dans le cadre des accords de paix, parmi lesquelles une plus grande ouverture de l’information dans les zones affectées par le conflit bien qu’il manque, selon RSF, des garanties de libre concurrence et de pérennité (aides financières etc.) pour les médias et radios communautaires et d’intérêt public. Plus ancienne, la loi d’accès à l’information, datant de 2014, a de son côté permis de lutter contre la culture du secret et de renforcer la transparence dans la diffusion d’informations publiques. Des difficultés persistent néanmoins dans le domaine de la défense et de la sécurité.


En 2017, la Colombie a gagné 5 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, se situant toutefois en-dessous de la barre des 100, à la 129e place.

Publié le
Updated on 06.09.2017