La CEDH déclare recevable le recours de RSF contre le service de renseignement allemand

Reporters sans frontières (RSF) salue la décision de la Cour européenne des droits de l’homme en faveur de la requête déposée par l'organisation sur les pratiques de surveillance de masse en Allemagne.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déclaré recevable, ce lundi 11 janvier, le recours déposé par RSF visant les pratiques de surveillance de masse, sans motif valable, du service fédéral de renseignement allemand, le Bundesnachrichtendienst (BND). La section allemande de l’organisation accuse le BND d’utiliser son système de surveillance des télécommunications pour espionner les échanges de courriers électroniques de l’organisation avec ses partenaires étrangers, des journalistes et d’autres personnes, ce qui constitue une violation des droits humains.


Seules 2 % des recours adressés à la CEDH sont jugés recevables par la Cour, qui demande alors à l’autre partie de présenter ses observations. La recevabilité de cette requête est une nouvelle victoire pour RSF qui a commencé à se mobiliser sur cette importante affaire de surveillance de masse en Allemagne en 2015, avec une première plainte auprès des juridictions allemandes. En mai 2020, la Cour constitutionnelle fédérale allemande avait tranché contre la surveillance stratégique de ses communications mais cela concernait seulement les communications entre étrangers en dehors du territoire allemand.


« La surveillance de masse sans motif valable pratiquée par les services du renseignement allemand, le BND, est non seulement incompatible avec le respect de la vie privée, mais elle est aussi contraire à la liberté de la presse. Ce principe qui a été reconnu par la Cour constitutionnelle pour la surveillance à l’étranger, doit pouvoir s’appliquer aux communications des citoyennes et citoyens allemands explique le directeur exécutif de RSF Allemagne, Christian Mihr. Si les juridictions allemandes ont, jusqu’à présent, rejeté les recours contre la surveillance de masse du BND, en invoquant l’argument absurde que l’atteinte effective n’avait pas été démontrée, la procédure devant la CEDH offre enfin la possibilité de mettre un terme à une situation inacceptable dans un État de droit. »


Respect de la correspondance, violation de la liberté d’expression et d’information


Dans la requête déposée en 2017 par l’avocat berlinois Niko Härting auprès de la CEDH, RSF invoque des atteintes à son droit au respect du secret des correspondances et à la liberté d’expression et d’information, en vertu des articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv EDH). De fait, le BND analysant des données de communications numériques selon des critères de recherche très larges et ayant un accès pratiquement illimité aux données, sa pratique s’apparente à une surveillance de masse disproportionnée et sans motif valable. De par la gravité des atteintes aux droits fondamentaux qui en découlent, l’objectif présumé du BND de repérer de potentielles menaces ne peut en aucun cas justifier ces pratiques.


En outre, RSF fait valoir la violation de son droit à un recours effectif, c'est-à-dire à sa possibilité d'introduire une requête devant la Cour, comme le prévoit l’article 13 de la convention européenne des droits de l’homme. En effet, pour déclarer recevable des actions ou recours constitutionnels, les juridictions allemandes exigent la démonstration d’une atteinte effective et personnelle aux droits du/de la requérant(e). Or, la grande majorité des personnes concernées n’étant pas informées, a posteriori, de l’interception et de l’analyse de leurs communications électroniques, elles ne peuvent apporter cette preuve d'une atteinte personnelle et sont ainsi dans l'incapacité d'exercer un recours. 


L’Allemagne occupe le 11e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.


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Texte intégral du mémoire de requête de RSF adressé à la CEDH (PDF).

Publié le
Updated on 11.01.2021