L’incarcération de Mohamed Boughalleb est symptomatique de la régression de la liberté de la presse en Tunisie
Mohamed Boughalleb est privé de liberté depuis près de deux semaines pour avoir critiqué, dans une chronique radio, le nombre de voyages effectués par un fonctionnaire aux frais du ministère des Affaires religieuses. Le journaliste est en détention provisoire depuis le 26 mars, après quatre jours de garde à vue, dans le cadre d’une plainte pour diffamation. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision totalement disproportionnée et appelle à sa libération immédiate.
Mohamed Boughalleb n’a pas pu comparaître devant le juge ce mercredi 3 avril, en raison d’une hospitalisation après un malaise, a révélé le Syndicat national des journalistes tunisiens. Enfermé depuis déjà près de deux semaines, l’une des dernières voix critiques du pays, le chroniqueur politique de la radio privée Cap FM, risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement, ainsi qu’une amende de cent à mille dinars (soit 30 à 300 euros environ), pour diffamation.
Le journaliste a été placé sous mandat de dépôt le 26 mars dernier, après quatre jours de garde à vue, à la suite d’une plainte d’une fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses. Celle-ci vise l’une de ses chroniques de mars 2023, dans laquelle il lui reprochait de bénéficier d’un trop grand nombre de voyages à l’étrangers aux frais du ministère.
“La mise en détention de Mohamed Boughalleb est inquiétante. Elle confirme que les autorités tunisiennes n’acceptent plus que les journalistes fassent leur travail et soulèvent des questions légitimes sur l’utilisation des deniers publics par les responsables politiques. La tendance à recourir à l’emprisonnement est une menace clairement adressée à ceux qui assument pleinement leur rôle de journalistes. RSF déplore cette terrible régression de la liberté de la presse et appelle à la libération immédiate de Mohamed Boughalleb.
Contacté par RSF, l’avocat et frère de Mohamed Boughalleb, Jamel Eddine Boughalleb estime que le journaliste est victime d’un harcèlement qui n'a aucun fondement juridique. “Nous refusons que le pouvoir judiciaire se transforme en un outil permettant au pouvoir en place de faire taire les professionnels des médias sur des accusations vides de sens, sans autre objectif que l'intimidation. Cela se produit malheureusement en Tunisie et c’est moralement et légalement condamnable.”
Au printemps 2023, c’est le ministre des Affaires religieuses lui-même, Ibrahim Chaïbi, qui avait engagé des poursuites contre le journaliste qui avait révélé qu’une voiture saisie par les autorités, censée être en dépôt à la douane, aurait été utilisée comme voiture de fonction par le ministre. Celui-ci avait alors été débouté.