L’assassin d’un journaliste communautaire condamné à 21 ans de prison ; le mobile reste à établir
Organisation :
Arrêté trois jours après les faits, John Alexander Jaramillo a reconnu être l’auteur de l’assassinat du directeur de la station communautaire Metro Rádio Estéreo Argemiro Cárdenas Agudelo. Le 15 mars 2012 à Dosquebradas. Le jeune homme, âgé de vingt-quatre ans, a été condamné, le 31 mars, au double motif d’“homicide” et “port d’arme illégal” à une peine de vingt-et-un ans, deux mois et quinze jours de prison. Le condamné a avoué avoir perçu la somme d’un million de pesos (environ 560 dollars) pour tuer le journaliste. Demandant pardon pour son crime, il a néanmoins assuré tout ignorer de l’identité de sa victime, personnalité reconnue localement et ancien maire de Dosquebradas.
Tout en prenant acte de la rare célérité des enquêteurs et des autorités judiciaires dans cette affaire, Reporters sans frontières ne saurait se satisfaire d’un verdict qui ne dit rien du mobile de l’assassinat d’Argemiro Cárdenas Agudelo. Comme souvent en pareil cas, l’arrestation d’un auteur matériel, souvent jeune et ignorant tout du fond de l’affaire dans laquelle il est impliquée, ne permet pas de conclure à une victoire contre l’impunité. Argemiro Cárdenas Agudelo a-t-il été tué en raison de ses activités radiophoniques ? La question reste posée.
Ce verdict a suivi de peu l’assassinat d’un autre journaliste, à Sabanalarga, le 29 mars dans le département d’Atlántico. Abattu par deux tueurs circulant à moto, Jesús Martínez Orozco, 42 ans, était employé par la radio privée locale La Nueva, où il animait des programmes à caractère exclusivement culturels. Il n’avait reçu aucune menace préalable et certaines sources penchent déjà l’hypothèse d’une “erreur sur la personne”.
___________________________
16.03.12 - Un directeur de radio communautaire assassiné dans une région sous forte influence paramilitaire
Argemiro Cárdenas Agudelo a été froidement abattu par un tueur à gages, le 15 mars 2012, à Dosquebradas dans le département de Risaralda. Cet homme politique, ancien maire de la ville, était également directeur et administrateur de la radio communautaire Metro Radio Estéreo et contribuait depuis quatorze ans aux activités d’autres stations. Il dirigeait depuis 2010 la Red Radial Cafetera et était affilié à l’Association mondiale des radios communautaires (AMARC).
“Nous nous associons à l’AMARC, ainsi qu’aux organisations professionnelles colombiennes, pour rendre hommage à Argemiro Cárdenas Agudelo et réclamer que toute la lumière soit faite sur son assassinat. Une fois encore, nous prions les autorités en charge de l’enquête de ne pas écarter trop vite un possible mobile professionnel, ce qui arrive trop fréquemment dans ce genre d’affaire. Diriger un média communautaire représente, par définition, un risque énorme dans une région comme Risaralda où sévissent le narcotrafic et le redoutable groupe ‘La Cordillera’, issu des viviers paramilitaires. L’ombre de ces prédateurs de la liberté d’informer plane sur les derniers cas de journalistes assassinés ou forcés à l’exil”, a déclaré Reporters sans frontières.
D’après des journalistes locaux, Argemiro Cárdenas n’avait pas fait l’objet de menaces récentes. Il défendait, y compris à l’antenne, les intérêts des communautés auprès de la classe politique locale mais ne traitait pas de sujets réputés à haut risque. Il préparait d’ailleurs sa retraite.
Concernant le mobile du crime, la police régionale privilégie l’hypothèse d’un “différend économique de vieille date” ou d’une tentative d’extorsion de l’argent censément gagné par la victime suite à la vente d’une radio. Sans exclure ces possibilités, Reporters sans frontières aimerait connaître les éléments ou témoignages étayant ces pistes.
La Colombie reste l’un des pays les plus dangereux du continent pour les journalistes, situé à la 143e place (sur 179 pays) du dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Il est également, depuis plusieurs années, celui qui compte le plus d’exilés, à l’étranger ou dans une autre région.
Publié le
Updated on
20.01.2016