Kenya : un journaliste échappe de peu à une tentative d’assassinat
Reporters sans frontières (RSF) demande une enquête sérieuse et impartiale après la tentative d’assassinat visant un journaliste du Nation Media Group (NMG) qui enquêtait sur une affaire de moeurs concernant un gouverneur.
Barrack Oduor, journaliste pour le Nation Media Group (NMG), le plus grand groupe de presse kenyan, a frôlé la mort alors qu’il enquêtait sur une liaison adultérine que le gouverneur de la région de Migori, située dans l’extrême sud-ouest du Kenya, aurait entretenue avec une jeune femme.
Après avoir rencontré Sharon Otieno, la maîtresse présumée du gouverneur, lundi après-midi, pour recueillir son témoignage, le journaliste avait rendez-vous dans un hôtel de Rongo avec l’assistant particulier du gouverneur en présence de cette dernière. Arrivé sur place, Michael Oyamo, le collaborateur du gouverneur leur a proposé de monter dans une voiture pour aller discuter de ce sujet sensible ailleurs. Quelques minutes seulement après avoir quitté l’hôtel, deux hommes sont montés à la place de l’assistant. Le journaliste a reçu plusieurs coups avant de réussir à s’extraire du véhicule et d’échapper à ses assaillants. La jeune femme, qui était montée avec eux, a, elle, été retrouvée morte dans une forêt de la région mercredi matin.
“Il est essentiel que les autorités kényanes mènent une enquête sérieuse et approfondie pour identifier les commanditaires de ce piège qui a conduit la source d’un journaliste à se faire assassiner, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Si le reporter ne s’en était pas miraculeusement sorti, il aurait sans doute connu le même sort que la jeune femme qui se trouvait avec lui dans le véhicule. L’assistant a-t-il agi seul ou sur ordre pour tenter d’étouffer cette affaire? L’enquête devra impérativement répondre à cette question”.
Le gouvernement a salué le “courage” du journaliste et annoncé avoir arrêté l’assistant du gouverneur à l’aéroport de Nairobi. Le gouverneur, lui, n’a pas été interrogé par la police. Son attaché de presse s’est contenté de nier toute implication dans ces événements, appelant à “laisser la police faire son enquête.”
“Les intimidations et les attaques n’arrêteront pas les journalistes d’enquêter sur les histoires de moeurs et la corruption dans cette région”, a réagi le syndicat des journalistes kenyans (KUJ).
Le dernier assassinat de journaliste au Kenya remonte à 2016. Le photo-reporter Denis Otieno avait été tué par balles à son domicile par des hommes armés inconnus qui avaient également volé son appareil photo.
Les agressions physiques par les forces de sécurité, les intimidations et menaces publiques de la part d’hommes politiques sont fréquentes ces dernières années. Au cours du seul mois passé, plusieurs journalistes ont été agressés. Le 30 août, le journaliste du Daily Nation Ndung’u Gachane avait été brutalisé par des policiers et détenu pendant plusieurs heures alors qu’il était en reportage sur un conflit opposant des autorités locales et une société gérant l’eau et l’assainissement. Le 16 août, RSF avait dénoncé l’arrestation et les violences subies par un cameraman de NTV et un photographe du Daily Nation pour avoir filmé et photographié la construction d’un hôtel.
Le Kenya occupe la 96e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.