Journalisme environnemental : cinq reporters arrêtés au Cambodge
Reporters sans frontières (RSF) dénonce, en compagnie de 39 autres organisations, l’arrestation violente d'une équipe de reporters qui couvraient une vaste campagne de déforestation dans le sud du pays, et demande au gouvernement cambodgien de garantir le libre exercice du journalisme.
“L’attitude qu’ont adoptée les représentants des forces de l’ordre à l’encontre des équipes de VOD et de Khmer Thavrak relève clairement de méthodes de voyous, déclare le directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Nous appelons le bureau du Premier ministre, Hun Sen, à ordonner des sanctions à l’encontre des officiers qui ont diligenté l’arrestation des cinq reporters. Il en va du respect de l'État de droit dans le pays.”
Ils ont été détenus et violentés pendant sept heures. Cinq journalistes du portail en ligne Voice of Democracy (VOD), accompagnés de quatre militants écologistes de l’organisation Khmer Thavrak, ont été arrêtés mardi 16 août par une unité militaire spéciale de la garde rapprochée du Premier ministre Hun Sen, dans la forêt de Phnom Tamao, située dans le sud du pays.
Placés en garde à vue dans un poste de police du district de Bati, ils se sont vus signifier qu’il est interdit d'enregistrer des images dans cette zone au prétexte de la “lutte contre la diffusion de fausses informations”.
Brutalités
C’est dans ce cadre qu’au moins un membre de VOD et un autre de Khmer Thavrak ont été brutalisés par des officiers. Parmi eux, le journaliste reporter d’images Hy Chhay témoigne avoir été frappé pour avoir refusé de donner son téléphone portable : “Quand j’ai vu mes collègues détenus, j’ai sorti mon téléphone pour filmer la scène ; un garde du corps m’a empêché de filmer et a tenté de prendre mon téléphone, mais j’ai refusé. Il m’a alors frappé au visage et s’est emparé de mon appareil.”
Du côté de Khmer Thavrak, Hun Vannak a été frappé à de nombreuses reprises par un officier au moment de son transfert en garde à vue : “J’ai refusé de monter dans le camion et il m’a frappé au visage à trois reprises, avant de me bondir dessus pour me frapper une nouvelle fois à la tête.”
Arrestations arbitraires
Ces dernières semaines, les journalistes ont pu se rendre librement dans la forêt, et même utiliser un drone pour leurs reportages. Aucune interdiction de la zone n’a été officiellement déclarée entre-temps - ce qui renforce la dimension arbitraire de cette arrestation.
Après leur garde à vue, les neuf détenus ont été contraints de signer un document, sous la pression des autorités, attestant qu’ils auraient utilisé leur drone vidéo de manière illicite. Or, il n’existe aucune disposition interdisant le survol de la région par drone.
Zone interdite
Une vidéo en direct sur Facebook a été diffusée par un membre de Khmer Thavrak. Depuis plusieurs jours, les autorités locales surveillent de près la zone de Phnom Tamao, devenue sensible en raison d’un intense défrichement industriel. Début août, en seulement une semaine, plus de 500 hectares ont été balayés sur les 2 000 qui couvrent la forêt.
La rédaction de VOD a publié en amont plusieurs reportages sur l’inquiétante accélération de la déforestation de Phnom Tamao, photos à l’appui. Sur les réseaux sociaux, cette couverture a drainé de nombreux commentaires. Du reste, le bureau du Premier ministre a présenté en urgence un plan de reboisement le 7 août, annulant ainsi les projets de plusieurs géants industriels. Selon ce même bureau, c’est à ce titre que la garde rapprochée du Premier ministre était présente sur place le jour de l’arrestation des neuf interpellés.
Contraire à la Constitution
RSF, à l’unisson de 39 autres organisations de défense des droits fondamentaux, essentiellement cambodgiennes, condamne cette atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’informer, pourtant protégées par la loi cambodgienne sur la presse de 1995.
Les quarante organisations expriment leur solidarité auprès des reporters contre toute forme de pression et de violence d’État. Elles rappellent au gouvernement cambodgien que le respect de la Constitution du royaume et de ses engagements internationaux impliquent le fait que ses citoyens soient autorisés à documenter et faire connaître les affaires de destruction de l’environnement.
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Pour plus d'information, veuillez contacter :
- Ith Sothoeuth, directeur du Centre cambodgien des médias indépendants (CCIM), sur Signal au (+855) 12 819 545 (anglais et khmer)
- Chhoeun Daravy, membre de Khmer Thavrak, sur Signal au (+855) XXX (Khmer)
- Nop Vy, directeur exécutif de l’Alliance des journalistes du Cambodge (CamboJA), sur Signal au (+855) 12 519 261 (anglais et khmer)
- Am Sam Ath, directeur des opérations de la LICADHO, sur Signal au (+855) 10 327 770 (khmer)
- Pilorge Naly, Directeur de la sensibilisation de la LICADHO, sur Signal au (+855) 12 214 454 (anglais)
- Daniel Bastard, directeur du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières (RSF), par courriel à [email protected] (français et anglais)
Cette déclaration commune est signée par :
- ActionAid Cambodia
- Advocacy and Policy Institute (API)
- Alliance for Conflict Transformation (ACT)
- Building Community Voices (BCV)
- Cambodian Association for Protection of Journalists (CAPJ)
- Cambodian Center for Human Rights (CCHR)
- Cambodian Center for Independent Media (CCIM)
- Cambodia Coalition of Farmer Community (CCFC)
- Cambodian Human Rights Action Committee (CHRAC)
- Cambodian Human Rights and Development Association (ADHOC)
- Cambodian Institute for Democracy (CID)
- Cambodian Journalists Alliance Association (CamboJA)
- Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights (LICADHO)
- Cambodian Youth Network Association (CYN)
- Center for Alliance of Labor and Human Rights (CENTRAL)
- Committee for Free and Fair Elections in Cambodia (COMFREL)
- Community Legal Education Center (CLEC)
- Gender and Development for Cambodia (GADC)
- International Federation of Journalists (IFJ)
- Overseas Press Club of Cambodia (OPCC)
- Reporters Without Borders (RSF)
- Sahmakum Teang Tnaut (STT Cambodia)
- Transparency International-Cambodia (TIC)
- Village Support Group (VSG)
- Youth Resource Development Program (YRDP)
- 197 Land Community (Koh Kong)
- Andong Trabek Land Community (Svay Rieng)
- Chi Kha Kraom Land Community (Koh Kong)
- Kouy Indigenous Community (Preah Vihear)
- Indigenous Community in Prame Commune (Preah Vihear)
- Mean Chey Land Community (Svay Rieng)
- Phnom Krom Community (Siemreap)
- Prey Chher Pech Changvar Laor Chhert Community (Kampong Chhnang)
- Prey Peay Land Community (Kampot)
- Samaki Chek Meas Community (Svay Rieng)
- Samaki Romeas Haek Community (Svay Rieng)
- Samaki Sangkae Pir Mean Rith (Preah Vihear)
- Sre Prang Community (Tboung Khmum)
- Steung Khsach Sor Forestry Resource (Kampong Chhnang)
- Trapeang Chour Community (Kampong Speu)
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