Journée mondiale de la radio : les Philippines, l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes radio, avec 89 tués en près de 40 ans

À l’occasion de la Journée mondiale de la radio, Reporters sans frontières (RSF) rend hommage aux journalistes radio philippins, qui risquent leur vie au quotidien pour exercer leur métier dans l’un des pays les plus dangereux au monde pour les professionnels des médias. L’administration du président Ferdinand Marcos Junior doit prendre des mesures fortes pour garantir leur sécurité.

Aux Philippines, la violence et l’intimidation font partie du quotidien des journalistes radio, contraints de veiller constamment à leur sécurité, parfois jusque dans leurs propres studios. En raison de la dispersion géographique des îles de l’archipel, la radio demeure un vecteur essentiel d’information, notamment dans les zones isolées. Mais cette importance se paie au prix fort : selon les données de RSF, sur les 147 journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis 1986, 89 étaient des journalistes radio.

“En cette Journée mondiale de la radio, RSF salue le courage des journalistes radio philippins, dont le travail est essentiel pour garantir l’accès du public à une information fiable et indépendante, malgré les violences quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. Nous appelons le président Ferdinand Marcos Junior et son administration à tenir leurs engagements en prenant des mesures concrètes pour protéger tous les journalistes et mettre fin à l’impunité des auteurs de ces crimes.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF

Parmi les victimes récentes figure Cresenciano Bunduquinabattu à son domicile en mai 2023, après avoir reçu de multiples menaces de mort en raison de ses émissions sur la station de radio DWXR. Quelques mois plus tôt, en octobre 2022, Percival Mabasa, présentateur sur la radio DWBL plus connu sous le pseudonyme Percy Lapid, a été assassiné près de chez lui, en banlieue de Manille. Son frère, Roy, témoigne auprès de RSF que la Journée mondiale de la radio est “un rappel douloureux que la justice reste insaisissable”. Il souligne que l'assassin présumé de Percy Lapid, Gerald Bantag, “est toujours en liberté – un affront à la justice rendu encore plus grave par le fait que le gouvernement semble savoir où il se trouve et qu'il n'a pas agi”.

Impunité des crimes commis contre les journalistes

Les données compilées par RSF depuis 1986 révèlent une violence systémique contre les journalistes radio sur l’ensemble du territoire, indépendamment des alternances politiques. Malgré la création en 2016 d’un groupe de travail présidentiel pour la sécurité des médias (PTFoMS), aucune avancée significative n’a été enregistrée. Les assassinats se poursuivent, illustrant l’incapacité des autorités à protéger les professionnels de l’information.

La grande majorité des journalistes radio assassinés enquêtaient sur des sujets particulièrement sensibles, tels que la corruption et les abus au sein des forces de l’ordre, de l’armée et de l’administration publique. Le crime organisé et les activités illicites, intrinsèquement liés aux abus de pouvoir et aux failles institutionnelles, comptent également parmi les thèmes les plus dangereux à couvrir. Les journalistes qui traitent de la politique – notamment au niveau local –, des droits humains ou des enjeux environnementaux sont eux aussi régulièrement pris pour cible.

Avec 147 cas de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions recensés par RSF depuis la restauration de la démocratie en 1986, les Philippines sont l'un des pays les plus dangereux pour les journalistes et les défenseurs de la liberté de la presse. L’archipel se classe au 134e rang sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.

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