Japon : un journaliste harcelé en justice pour un retweet jugé « diffamatoire »
RSF appelle la Haute Cour d’Osaka à revenir sur sa décision de rejeter l’appel d’un journaliste, condamné en première instance pour “diffamation” pour le simple fait d’avoir retweeté un message controversé.
Le 23 juin, la Haute Cour d’Osaka a rejeté l’interjection en appel de Yasumi Iwakami, 60 ans, fondateur du site d’information Independent Web Journal. En septembre 2019, ce journaliste influent avait été condamné pour diffamation à l’encontre de l’ancien gouverneur de la préfecture d’Osaka, Toru Hashimoto, après avoir relayé deux ans auparavant sur son compte Twitter un message mettant en cause sa responsabilité dans le suicide d’un de ses subordonnés, qui se plaignait de harcèlement.
« La Haute Cour d’Osaka doit revenir sur sa décision de rejeter l’appel de Yasumi Iwakami, qui l’empêche de démontrer sa bonne foi alors qu’il est à l’évidence victime de harcèlement judiciaire visant à entacher sa réputation, insiste Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de Reporters sans frontières (RSF). « En transférant à ses abonnés Twitter un message qui lui paraissait informatif, ce journaliste n’a fait que son travail et n’aurait jamais dû être inquiété, et encore moins condamné pour diffamation du seul fait de sa célébrité. ».
En première instance, les juges avaient en effet considéré que le partage du message en question revenait à approuver son contenu et que la célébrité du journaliste (près de 180 000 abonnés sur Twitter) constituait une circonstance aggravante en permettant une diffusion du message à grande échelle, en vertu de quoi il l’avaient condamné à une amende de 330 000 yens (2 700 euros).
Au Japon, bien que les principes de liberté et de pluralisme des médias soient globalement respectés, la presse peine à exercer pleinement son rôle de contre-pouvoir face au poids des traditions et aux intérêts économiques. Depuis l’accession au pouvoir en 2012 du Premier ministre nationaliste Shinzo Abe, les journalistes se plaignent d'un climat général de méfiance, voire d’hostilité à leur égard. Ils dénoncent le harcèlement en ligne de la part des groupes nationalistes et la pression du gouvernement lorsqu’ils couvrent certains sujets considérés comme sensibles tels que la catastrophe nucléaire de Fukushima ou l'épidémie de coronavirus.
Le Japon est classé 66ème sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de 2020 de RSF.