Irak : des journalistes ciblés lors des manifestations populaires

Alors que les partisans de la principale force d’opposition en Irak ont pris le Parlement d’assaut, des journalistes dépêchés sur le terrain ont été pris pour cible. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités et les citoyens à rester particulièrement vigilants sur la liberté d’informer des journalistes.

 

En période d’instabilité politique et de troubles sociaux, les médias ne doivent ni être pris pour cible ni cristalliser la colère populaire, déclare Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Nous appelons les autorités et la société civile à être vigilantes quant au respect de la liberté de la presse et de l’intégrité physique des journalistes.

 

Tournages interrompus, agressions, fermetures de médias… Ces derniers jours, plusieurs journalistes et médias irakiens ont été pris pour cible partout dans le pays, alors que la crise politique en Irak a atteint son paroxysme. Mercredi 27 juillet, les partisans du leader politique chiite et figure de l’opposition Moqtada Al-Sadr ont pénétré la “zone verte”, lieu ultra-sécurisé à Bagdad, où se trouvent les principaux centres du pouvoir. Ils ont ensuite envahi le Parlement à deux reprises.

 

Ce coup de force répond à l’appel d'Al-Sadr, chef de file d’un mouvement politique opposé à l’Iran, à la différence de la coalition rivale, favorable à Téhéran. Ses militants protestent contre la candidature au poste de Premier ministre de Mohammed Shia Al-Sudani pour le compte du Cadre de coordination. Une alliance chiite qui regroupe des adversaires d'Al-Sadr, notamment l’ancien Premier ministre Nouri Al-Maliki. Depuis les élections législatives tenues en octobre 2021, l’Irak peine à former un gouvernement en raison des désaccords persistants entre les différents blocs politiques. En juin, Moqtada Al-Sadr a contraint à la démission l’ensemble des députés de sa formation, qui occupaient pourtant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants. 

 

C’est dans ce contexte de crise politique aiguë que les journalistes sont régulièrement empêchés de faire leur métier. Ce lundi 1er août, une équipe de la chaîne Al-Iraqiya a été encerclée dans la zone verte et interdite de filmer par les protestataires. Dans un extrait vidéo transmis à RSF par la Press Freedom Advocacy Association, organisation locale de défense du journalisme, l'un d'eux force les reporters Ahmad Aram et Ahmad Majed à interrompre leur tournage, au motif que la chaîne est liée au gouvernement. 

 

Le 29 juillet, des manifestants ont fermé le bureau de la chaîne Alforat TV à Bassora, dans le sud du pays, en réaction aux déclarations de son propriétaire, Ammar Al-Hakim, jugées hostiles par les sadristes. Le lendemain, une équipe de la chaîne Al-Mayadeen, composée des journalistes Abdullah Badran, Zaid Khaled et Abdullah Saad, a été blessée en direct par une grenade assourdissante lancée par la police anti-émeute pour disperser des manifestants qui tentaient de forcer l’entrée de la zone verte. “Je ne peux pas confirmer que le ciblage était intentionnel mais les grenades et les fumigènes auraient dû être lancés plus bas, comme on l'a constaté pendant nos précédentes couvertures de manifestations”, explique à RSF Abdullah Badran, touché à la cuisse. Alors qu'il tentait d'évacuer le lieu, Abdullah Saad a quant à lui été poussé et harcelé par un individu, il s'est alors foulé la cheville et a chuté. Les médecins lui ont diagnostiqué une entorse.

 

Le même jour, alors qu’il filmait la situation à Nadjaf, le correspondant de la chaîne Al-Baghdadia et présentateur de l'émission Studio 9, Ali Thabhawi, a été violemment battu par un proche du leader d’une branche locale du Hezbollah, parti politique chiite libanais soutenu par l’Iran, et a été transporté à l’hôpital. Joint par RSF, il explique avoir le nez et les dents cassés, ce qui nécessitera une opération. “Malgré le fait que ce soit eux qui m’aient agressé, ils ont déposé plainte contre moi et m’accusent de falsifier la vérité”, dénonce-t-il. Il lie cette agression à ses interventions critiques des autorités du gouvernorat dans les médias.

 

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