Reporters sans frontières dénonce les intimidations et les pressions multiples de la part de fonctionnaires ou d'hommes politiques à l'encontre des médias provinciaux. L'organisation appelle à un débat national afin d'apaiser les relations tendues entre la presse et le pouvoir politique.
Reporters sans frontières constate avec inquiétude la multiplication d'actions violentes ou menaçantes dont se sont rendus responsables, en ce début d'année 2006, des fonctionnaires ou des hommes politiques à l'encontre de médias de province. L'organisation redoute que les journalistes locaux ne fassent les frais d'un climat tendu, au niveau national, entre la presse et le pouvoir politique.
« Reporters sans frontières ne cherche pas à se faire l'arbitre des relations tendues entre la presse et le pouvoir politique. Nous déplorons cependant qu'un tel climat rejaillisse sur la presse de province, plus exposée, plus fragile économiquement, et dépendante des pouvoirs locaux à travers la publicité officielle. Nous condamnons d'autant plus fermement l'attitude de certains politiciens locaux qui croient soumettre la presse par l'intimidation. Nous souhaitons qu'un débat suscite l'apaisement du conflit », a déclaré Reporters sans frontières.
Angel Ruiz, de l'hebdomadaire El Este Rionegrino (province du Río Negro), a dernièrement révélé l'existence d'un trafic de fossiles entre l'Argentine et l'Italie. Il notamment mis en cause Marcelo Solorza, fonctionnaire provincial chargé de la Culture mais aussi Miguel Angel Saiz, gouverneur de la province du Río Negro. Suite à ses révélations, le journaliste a été soumis à une pression constante de la part des autorités locales. Angel Ruiz a ainsi été sollicité par le secrétaire de la province chargé des médias, Claudio Mozzoni, qui désirait connaître ses sources d'information. Angel Ruiz s'y est fermement opposé et a ensuite été l'objet de menaces téléphoniques annonçant la fermeture de El Este Rionegrino. Marcelo Solorza a porté plainte contre le journaliste pour « calomnie » et « injure ». Il réclame 24 000 € de dommages et intérêts, trois ans de prison ferme pour le journaliste et la rétractation de ce dernier dans son propre hebdomadaire et dans deux autres médias régionaux. L'affaire sera jugée en première instance le 28 février 2006.
Le 18 février, Juan Cruz Sanz et le photographe Juan Obregón, du quotidien Perfil, ont été agressés par trois hommes qui sont sortis de la résidence de Néstor Kirchner à Río Gallegos (capitale de la province de Santa Cruz), alors qu'ils essayaient de prendre des photos ou d'obtenir une déclaration du Président. Les agresseurs ont sommé les deux journalistes de partir, car ils étaient dans une propriété privée, et de leur dire pour qui ils travaillaient. Parmi ces trois hommes, Juan Cruz Sanz a notamment reconnu un cameraman de Canal 2, ami personnel de Néstor Kirchner. Le journaliste a déclaré qu'ils avaient essayé d'arracher l'appareil photo de son collègue et ont frappé ce dernier au visage. Par la suite, la police est arrivée. Les trois agresseurs ont porté plainte contre les deux journalistes. Perfil a une ligne éditoriale très critique vis-à-vis du gouvernement actuel.
Le 18 janvier, Alberto Callejas, directeur du quotidien local El Nuevo cambio, a lui aussi été agressé violemment par Omar García, président du bloc du parti justicialiste (péroniste, au pouvoir) de Lanús (province de Buenos Aires). Le journaliste a d'abord reçu un coup de poing au visage puis a été agressé par deux employés municipaux. Selon la victime, un témoin aurait vu Omar García aller chercher son revolver dans sa voiture au moment de l'agression. Le journaliste a précisé à Reporters sans frontières qu'Omar Garcia est toujours armé. Jusqu'ici, Alberto Callejas n'avait pas porté plainte pénalement car il attendait des excuses. Ces dernières n'arrivant pas, il a déclaré vouloir porter l'affaire en justice. Selon le journaliste, le politicien local a déjà brutalisé des confrères à diverses reprises.